Reims : le maître désacralisé
Un écran blanc domine la scène. En dessous, un studio. Deux techniciens dans la loge discutent, puis sortent. Une comédienne entre, s’installe – elle a ses habitudes — pour travailler son texte. La discussion s’engage dès le retour du réalisateur et de l’ingénieur son. Ils sont là pour enregistrer la bande-son d’un documentaire, tourné à partir de l’ouvrage de Didier Eribon.
Sa méditation autobiographique part du récit à la première personne d’une visite à sa mère, après le décès de son père, des décennies après avoir quitté sa famille. Une réflexion intime et sociale sur la persistance des classes sans lutte ; investigation fine de l’inflexion de la militance ouvrière au service de la revendication identitaire. Les images sobres, parfois fixes, accompagnent de manière sensible les propos circonspects, presque interdits, du livre.
On assiste davantage à une mise en place qu’à une mise en scène. Si le film tient la route, la narration de l’enregistrement ne prend pas, déroutée par les échanges entre les personnages présents dans le studio, qui interviennent de façon anecdotique, sans parvenir à susciter la réflexion, peut-être même en la déviant du chemin que traçaient déjà les mots d’Eribon posés sur les images.
Un théâtre velléitaire et paresseux, eu égard à l’aisance démontrée par Ostermeier dans Un ennemi du peuple, par exemple. Une écriture dramatique qui ne parvient pas à donner d’épaisseur aux protagonistes de cette disparition derrière l’image. Des échanges qui font peu écho aux interrogations qui nourrissent le propos de Didier Eribon. Une intention subversive d’Ostermeier qui reste lettre morte.
christophe giolito & manon pouliot
Retour à Reims, d’après Didier Eribon
Mise en scène : Thomas Ostermeier
© Thomas Ostermeier / Sébastien Dupouey
D’après le livre Retour à Reims de Didier Eribon (Fayard, 2009)
Avec : Cédric Eeckhout, Irène Jacob et Blade Mc Alimbaye
Version française du spectacle créé à la Schaubühne de Berlin
Scénographie et costumes : Nina Wetzel ; musique : Nils Ostendorf ; son : Jochen Jezussek ; dramaturgie : Florian Borchmeyer, Maja Zade ; lumières : Erich Schneider.
Au Théâtre de la Ville – Espace Cardin 1, avenue Gabriel 75008 Paris
Du 11 janvier au 16 février 2019 Durée : 1 h 45 environ
Réservations : 01 42 74 22 77
Réalisation du film : Sébastien Dupouey et Thomas Ostermeier ; prises de vues : Marcus Lenz, Sébastien Dupouey et Marie Sanchez ; montage : Sébastien Dupouey ; prise de son : Peter Carstens et Robert Nabholz ; musique : Nils Ostendorf ; design sonore : Jochen Jezussek.
Recherche archives : Laure Comte et Bagage (Sonja Heitmain, Uschi Feldges)
Archives audiovisuelles Ciné-archives, Line press, INA, Critical Past, Framepol, RBB, UFA Bundesarchiv, “Avec le sang des autres” – Bruno Muel, “Mai 68 à Paris” – Claude Fassier, “Les abattoirs de la Socopa” – Joce Hue, “Désossage de cuisse de bœuf” – Bruno Carteron, “La belle et la bête” – Jean Cocteau, “Tous les garçons et les filles” – Françoise Hardy/Claude Lelouch.