Là où l’ivresse tient à l’abandon
Mark Hollis restera — au delà de Talk-Talk — un créateur du silence. Celui-ci est, depuis John Cage et Morton Feldman, devint essentiel à la musique qui l’habille de vibrations. Au-delà du rock et du jazz, le groupe après une entrée tonitruante dans la pop (“It’s a shame”), est allé à l’essentiel.
L’apport de Mark Hollis reste donc irremplaçable. Il rappelle que la musique n’est pas une abstraction, elle est “grammairienne et voyelle” (Montaigne).
La menace que chacun sent intuitivement dans chaque morceau, et qui est attribuée à la chaleur, n’est induite que par ce qui est là, dans la musique la plus sombre qui soit. D’autant qu’il existe là une voix qui semble ne pas supporter le soleil tant elle est crépusculaire.
Un tel parcours est unique. Partant de la techno-pop, il a glissé vers la dilution, l’effacement, le mystère. Silencieux depuis 20 ans, Hollis resta sans doute un créateur torturé capable pourtant d’inventer des chansons bien douces qui ne peuvent s’oublier dans leur lamento particulier.
La musique, avec lui, flirte avec le silence et arrive à son bout. Une armature infime tient l’ensemble de chaque album debout jusqu’au dernier album éponyme de l’artiste qui reste son chef-d’oeuvre absolu.
Etranger à tout délire, Hollis marcha vers un point limite que peu de créateurs peuvent toucher là où l’ivresse tient à l’abandon.
jean-paul gavard-perret