Le premier roman de Colin Lemoine est une découverte. Le passionné d’art change d’espace et en seigneur des anneaux remonte le temps. Il retraverse l’enfance au coeur d’un “cyclone” ou sous le volcan, là où se créent les prémisses d’une histoire. Rien pour autant d’impudique. L’auteur est trop intelligent pour cela.
Evoquer le fond de la vie et la traversée des désirs ne se fait pas obligatoirement en précisant leur nature ni en mettant des points sur leurs i. C’est peut-être même le moyen de se protéger des imbéciles qui s’ignorent et se croient plus malins que les autres. Néanmoins, la fusion du réel est bel et bien au rendez-vous mais ici en un exercice de grâce et de style.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie d’en découdre avant la sonnerie du réveil.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des rêves d’adulte.
A quoi avez-vous renoncé ?
À l’oubli.
D’où venez-vous ?
De l’enfance.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Rien.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Un caffè ristretto dans le ghetto de Venise.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
Ma croyance inentamée dans le style.
Qu’Est-ce qui vous a poussé à la critique d’art et au commissariat d’exposition ?
Mon désir de voir et ma volonté de savoir.
Comment définiriez-vous votre Qui Vive ?
Un roman sur la beauté épiphanique, le souvenir infini et l’écheveau du monde.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Une inondation dans l’appartement de mon enfance, une crue bouleversant à jamais l’ordre sec des choses établies.
Et votre première lecture ?
Les livres de Roald Dahl.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Léo Ferré, Fabrizio De André, Vivaldi.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“L’Ennui” d’Alberto Moravia. Et Verlaine.
Quel film vous fait pleurer ?
“L’incompris” de Luigi Comencini.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Celui que je ne pensais pas devoir devenir.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À personne. Ou peut-être à mon pharmacien. Et encore.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Venise. Sans contredit possible.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Je n’ose pas répondre.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
De la confiance dans des sachets jaunes.
Que défendez-vous ?
Une idée folle de la beauté.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Un amendement : « L’amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui ne peut pas le recevoir. »
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Que si la réponse est oui, la question est bien trop simple.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Quel est votre inavouable châtiment ?
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 26 février 2019.