Modèles à penser
Elève de Gerhard Richter et Fritz Schwegler, Thomas Schütte s’impose dès le début des années 80 comme un des initiateurs de la nouvelle sculpture allemande. Plusieurs expositions marquantes ou rétrospectives, ont permis à l’artiste d’être reconnu. Après le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris dans les années 90, La Monnaie de Paris présente une importante rétrospective en 3 “temps” et une maquette de l’artiste aux structures imposantes.
Dès “Ringe” (1977) — installation de panneaux de bois peints accrochés aléatoirement au mur -, l’artiste confronte le spectateur à l’art en situation au moment où, en France, Daniel Buren poursuit le même chemin. Dans les années 80, il s’oriente, hors “musée”, vers l’architecture et l’environnement urbain. Cela lui permet de poser la question de l’art et son rôle.
L’oeuvre est toujours hybride, foisonnante et hétéroclite. Elle mêle techniques et genres (photographie, peinture, sculpture, dessin, scénographie, installation). Ils et elles servent à Schütte à aborder le portrait, la nature morte ou le paysage. Dans leurs méandres rampe une sorte d’angoisse ponctuée (souvent) par l’ironie. Avec l’artiste, l’atelier et l’espace domestique lui-même permet de repenser le monde et ses modélisations plastiques.
Dans “Quartier d’hiver” des tables supportent des constructions en bois, un atelier d’artiste, un manège, un poulailler ou encore un monument perdu. Le tout pour poser la question du rôle de l’art dans le monde.
A côté, la figuration humaine jaillit sous formes de masses ou de silhouettes absurdes et burlesques. De petites figurines en pâte à modeler ou de grands esprits en fonte d’aluminium prennent ensuite le relais avant que le portrait approche plus récemment l’aliénation, le conflit, l’isolement et la vulnérabilité.
Loin des formes minimales et conceptuelles dominantes, ses maquettes d’architecture conçues comme des « modèles à penser » renvoient à l’idée de monumentation. Le recours à des techniques et des matériaux traditionnels (argile, cire, céramique, acier, bronze) sert à transformer la manière de voir autant les oeuvres que les distances qui jouent souvent entre elles.
jean-paul gavard-perret
Thomas Schütte, Trois actes, Rétrospective, Monnaie de Paris, du 15 mars au 16 juin 2019.