L’image joue ici avec la permanence rétinienne en montrant quelque chose qui ne s’effacera jamais et se répand en échos presque sonores au-delà de ce que le réel offre en apparence. Des courbes se déploient mais restent inaccessibles aux caresses. Si on les caresse, elles tombent en poussières mais lorsque Sasha C Bokobza s’en empare elle les solidifie.
Les visions d’intérieurs, les corps ne sont pas académiques mais leurs formes et couleurs évoquent la perfection des peintures premières. Des messages secrets basculent en un suspens : simplicité, merveilleux, fragilité, impermanence du monde et de l’humain sont là. Et l’oeuvre de Marie Darrieussecq n’est pas loin de telles propositions.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Des horaires d’école conçus scandaleusement pour les lèves-tôt. J’aime la nuit !
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je cours toujours vers eux. Certains aujourd’hui prennent corps dans la réalité, ce qui rend les réveils acceptables.
A quoi avez-vous renoncé ?
Au désir d’être l’enfant parfait.
D’où venez-vous ?
D’une famille où les chiffres pèsent plus lourd que les lettres.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
De la combativité et une bonne myopie.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Aller au comptoir d’à côté et y croquer les habitués le temps d’un café. Danser et chanter, tous les jours. Rire.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Rien et tout. Ne sommes-nous pas tous uniques et identiques à la fois ?
Comment définiriez-vous vos paysages d’intérieurs ?
Calmes, sombres et frais comme des lacs sous-terrains. Reposants et mystérieux.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Une illustration encadrée au-dessus de mon lit de petite fille. Un grand canard jaune très beau et très rond au bec orange qui me souriait jusqu’au jour où ma mère m’expliqua qu’il s’agissait en réalité d’une petite fille tenant des ballons. Ma myopie fût ainsi découverte. Le canard disparut hélas.
Et votre première lecture ?
Le tout premier roman : “Titsou les pouces verts” de Maurice Druon. Mais avant les albums d’Asterix et de Gaston Lagaffe dont je lisais les images avant de savoir déchiffrer le texte.
Quelles musiques écoutez-vous ?
J’aime toutes les musiques. J’écoute souvent David Bowie, Lou Reed, Freddy Mercury, Schubert, Michel Polnareff, parmi tant d’autres. Les BO de certains films peuvent aussi passer en boucle à la maison, celle de “Phantom of the Paradise” par exemple. En réalité j’aime toutes les musiques qui vont activer mon petit cinéma intérieur.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Aucun. Le temps est trop court pour relire un livre, il y en a tant d’autres à découvrir !
Quel film vous fait pleurer ?
“Parle avec elle” de Pedro Almodovar.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une femme.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Il me semble à personne. Ecrire me permet au contraire de dépasser mes craintes.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Le bout du monde, La Galice, la fin des terres.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Difficile de répondre sans paraître prétentieux. Mes grands amours : Vuillard pour le motif, Hopper pour la dramaturgie, Degas pour le mouvement.
Et Marie Darrieussecq pour mille autres raisons.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un voyage vers une destination inconnue.
Que défendez-vous ?
La Liberté et mes enfants.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Qu’il faut parfois être aveugle pour bien voir.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Woody Allen aime prendre des risques !
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Celle dont la réponse est oui.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard perret pour lelitteraire.com, le 1er février 2019.