Pauline Rousseau réussit une belle torsion. Epuisée — en dépit se ses diplômes — par la recherche de jobs plus débiles les uns que les autres, l’artiste a repris du poil de la bête. Certes, elle ne se fait guère d’illusion sur la progression sociale que peuvent lui apporter les métiers qu’on lui offre. Mais, à sa manière, elle se venge en scénarisant les objets empruntés lors de ses pérégrinations aussi dramatiques que farcesques. La fourmi devient cigale. Et bien lui en prend : elle ravit d’autant que son physique parle pour elle (mais il n’est pas le seul).
Avec elle, la condition économique de même que l’érotisme se rompent, volent en éclat. Il ne s’agit pas de substituer la réalité à l’« idée » en vue d’un quelconque apaisement platonicien. Et si l’artiste assume que l’idée transforme la réalité, celle-là n’est pas au service de l’idéalité mais d’une métamorphose des données ridicules auxquelles sont soumis les demandeurs d’emploi.
Dans de tels montages photographiques, aux impostures des donneurs d’ordre et de travail répondent les impostures de l’image. Elles ouvrent la clôture du voyeurisme, cassent les vulgates. Pauline Rousseau refuse la production du pareil et du même en créant des vertiges drôles face aux règles sociales traumatisantes.
Nulle question de franchir la frontière des fantasmes ou de changer le corps même si les employeurs rêvent qu’il ait quatre jambes et quatre bras. D’autant que cela ne multiplie pas pour autant le plaisir ou la jouissance mais bétonne la solitude des monstres qui ne sont que simplement humains. Trop humains.
jean-paul gavard-perret
Pauline Rousseau, Délits d’objets, Galerie Dilecta Paris, du 26 janvier au 23 février 2019.
Lors de cette exposition un livre d’artiste sera publié en édition limitée.