Anne-Laure Morata, Nourris un corbeau, il te crèvera les yeux

Une bien sombre machination 

Derrière ce titre pour le moins intri­guant, se trouve une his­toire bien pour­vue en coups de théâtre et en rebon­dis­se­ments. C’est un récit dense, luxu­riant, d’une grande effi­ca­cité dans l’enchaînement des péri­pé­ties et d’une belle réus­site dans l’art de faire mon­ter la ten­sion. La roman­cière ima­gine une sombre his­toire qui plonge ses racines dans le passé.
Elle créé une gale­rie de per­son­nages étof­fée et d’une grande variété. Elle uti­lise l’atmosphère et la situa­tion locales, pour mettre en scène les pro­ta­go­nistes. Elle prend, pour por­ter son récit, une dame de trente-huit ans qui par une accu­mu­la­tion de coups du sort se retrouve au fond du trou. Anne-Laure Morata détaille les affres par les­quelles elle passe, ses états d’âme, puis sa rédemp­tion, son sur­saut pour venir en aide à sa fille qu’elle a dû lais­ser par­tir, inca­pable de s’en occuper.

À Quito, au parc La Caro­lina, un homme aux aguets attend le moment favo­rable pour enle­ver la petite Gabriela, sa prin­cesa comme il se plait à l’appeler.
À Paris, la vie d’Emmanuelle Ques­tel n’est que chaos. Jour­na­liste, elle était mariée à Javier Espe­noza dont elle a eu une fille Élisa. Alors qu’elle était en repor­tage à Liège, elle s’est retrou­vée au cœur d’un atten­tat. Trau­ma­ti­sée, pei­nant à s’en remettre, elle perd son jeune frère, deux semaines plus tard, dans un acci­dent de moto. Depuis, elle vit en poin­tillé. Elle a divorcé, sa fille vit avec son père retourné en Équa­teur, son pays natal. Il s’est rema­rié avec Kath­leen, une Texane, avec qui il a une seconde fille, Gabriela, âgée de trois ans.
Mais, aujourd’hui, Emma­nuelle est au bout du rou­leau. Elle veut se sui­ci­der et enjambe la ram­barde de son bal­con au neu­vième étage. Quand elle va sau­ter, elle entend, au télé­phone, Élisa qui san­glote car on a enlevé Gabriela, sa petite sœur. Un sur­saut car il lui faut aller au secours de sa fille. Elle part pour Quito. Là, les évé­ne­ments se suc­cèdent. Javier est arrêté, accusé de l’enlèvement et du meurtre de sa fille. Kath­leen, qui mène des inves­ti­ga­tions en vue d’un livre sur les tueurs en série, est retrou­vée morte dans le jar­din de leur villa.
Emma­nuelle va se lan­cer à corps perdu pour décou­vrir la vérité. Mais dans une ville dont elle ignore tout…

L’auteure brosse des por­traits magni­fiques, ceux de per­son­nages aux­quels on s’attache mais aussi de ceux qui our­dissent et mettent en œuvre la machi­na­tion dont la famille de l’ex-mari d’Emmanuelle est vic­time. Morata glisse, au détour des aven­tures et des actions toniques qu’elle fait vivre à son héroïne, nombre d’informations sur Quito et sur l’Équateur, sur le pays, les diverses com­po­santes de sa popu­la­tion, sur le cli­mat poli­tique et social, sur les dif­fi­cul­tés que vit le peuple depuis que le pays a été frappé par la rééva­lua­tion du dol­lar, l’effondrement des expor­ta­tions d’hydrocarbures et le trem­ble­ment de terre de 2016.
On apprend bien vite le fond de l’affaire, les rai­sons de cet enlè­ve­ment et l’identité des res­pon­sables de la situa­tion. Mais tout l’enjeu consiste à les démas­quer et à libé­rer son ex-mari de cette épée de Damoclès.

Anne-Laure Morata signe un roman à l’action tonique, à l’intrigue fort bien bâtie, une intrigue por­tée par nombre de per­son­nages fort bien construits et ser­vie par une écri­ture fluide, des dia­logues per­cu­tants et un style enlevé..

serge per­raud

Anne-Laure Morata, Nour­ris un cor­beau, il te crè­vera les yeux, L’aube, coll. “Noire”, jan­vier 2019, 240 p. – 18,90 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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