Bertrand Belin est l’écrivain des voix. Il les emprunte, les épouse, joue avec, s’en délecte. Pas étonnant d’ailleurs qu’il soit chanteur compositeur et interprète. Dans son roman, il explore diverses registres à travers l’opposition de deux frères. L’un est entrepreneur, tendu vers l’avenir et jaloux de son frère “croûteur”, à savoir peintre pour qui ne compte que le présent et la liberté.
Le premier a “des valeurs”, l’autre est rêveur. Son état d’esprit ne peut qu’irriter le premier et tout cela s’exacerbe lorsqu’un cirque s’installe en ville. Un groupe de fauves s’en échappe. Leur gardien a beau se persuader qu’il n’a commis aucune erreur, les faits sont têtus : les animaux ont disparu et la population est en émoi.
Chacun montre ses limites face au danger potentiel : les langues ou plutôt des discours souterrains éclatent. Ce qui donne à Belin l’occasion de s’en donner — si l’on peut dire — à coeur joie ou à voix déployée. Le roman devient une fable étrange presque intemporelle. Elle met à nu des peurs qui dépassent le seul contexte du roman.
Sans y toucher, l’auteur explore un monde où la cruauté, les angoisses, les soupçons deviennent aussi primitifs que lancinants. Le centre de la peur est partout, sa circonférence nulle part.
jean-paul gavard-perret
Bertrand Belin, Grands Carnivores, P.O.L éditeur, Paris, 2019, 176 p. — 16,00 €.
Les voies de la peur ne sont pas impénétrables. La voix de Belin proche de celle de l“immortel” Bashung, non?
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