Auteure, dessinatrice Sarah Fisthole (pseudo à la fois sparadrap et fist fucking) ne cherche en rien à inhumer les vieilles rancunes que la femme peut cultiver envers le mâle. Empruntant le titre de son livre à un des groupes américains des plus radicaux, l’auteure fait le ménage.
Son écriture tranche dans le lard du goret, exhausse une femme qui doit s’affirmer en être humain et non en “ça” : “ça ne doit pas, ça ne doit pas ouvrir sa gueule. Une femme ça doit parler doucement, (…) ne pas être trop grande, trop grosse, trop moche, sexy mais pas trop, rigoler trop fort, se raser les cheveux, se trouer soi-même la peau, sinon son corps ne sera plus assez pur pour le paradis.”.
De telles ségrégations ont la vie dure. Car, même lorsqu’elles sont gilets jaunes ou de n’importe quelle couleur “ça” doit se laisser faire quand “on lui écarte les cuisses de force pour la limer comme un connard”. Sarah Fisthole entreprend de gueuler et pas forcément et uniquement lorsqu’elle accouche et qu’elle le fait pour la bonne cause.
Refusant le mutisme, elle n’est pas là juste pour s’entendre exister face à ceux qui ne l’écoutent même pas.
Ses textes et ses images n’ont pas le temps de se perdre en des fluctuations ou floculations de dentelles : ils avancent dans et par un corps qui se retourne contre ce qu’on veut faire de lui en le réduisant à sa barbaque. Il s’agit de se lever au milieu de ceux qui ne bougeront pas. Les mots et les images charrient ce qui fait que la vie d’une femme ne sera plus prise au piège.
L’iconoclaste ose un passage face aux regards qui la jugent parce qu’elle rigole — ou pas. Elle refuse de ” se contenter de refaire l’histoire avec son père qui ne voyait chez elle qu’une futur pute parce qu’il n’a pas eu les couilles de revoir son histoire”.
Son texte comme tous ses imagines (à retrouver entre autres dans “gonzine, la revue oestrogénique”) est paroxysmique. Il devient une résistance face à ce qui donne envie de dégueuler, de pleurer, de se détruire. La plasticienne désire que chaque femme refuse de s’entendre dire : “reste à ta place connasse”. Exit le complexe de Cendrillon et toutes les détresses “à la con” (dit-elle avec raison).
La souffrance n’a rien de fondatrice : au mieux où au pire ça rend anorexique ou obèse même si chacun y va désormais de son couplet sur le féminisme et la cause des femmes. Sarah Fishole n’ en n’est pas dupe. Elle préfère aux égéries pro “MeToo” une Andrée Chédid qui a appris à ceux qui l’entouraient — et plutôt que de prendre la virilité par les couilles — la vraie tendresse et respect dont tout le monde a besoin.
Pour le faire, il faut oser le monstre. Oser une solitude au besoin. Et dire à tous — même à un critique qui se prétendrait être moins machiste que les autres : “je t’emmerde”.
lire notre entretien avec l’auteure
jean-paul gavard-perret
Sarah Fisthole, Rage against the machine, Editions Furtives, Besançon. Et voir sur le site de l’artiste ses dessins et autres textes.