Au panthéon de l’heroic fantasy
Mêlant magie, sorcellerie, pouvoirs occultes, conflits familiaux et quête du pouvoir Jean Dufaux continue de construire l’univers fantastique des Landes perdues. Dans ce contexte magique, le scénariste qui est passionné par les jeux du pouvoir depuis sa conquête jusqu’à sa perte, insère ceux-ci avec la succession au trône.
Il fait affronter deux partis, l’un “légitime” avec le fils du roi conçu avec la reine en titre, l’autre illégitime avec un bâtard fruit des premières amours du roi avec une femme devenue demi-folle et enfermée depuis des années dans un donjon.
Brynia a convoqué les sorcières parce qu’elle perd de son influence à la cour du roi Brendam. Elle suggère, pour contrer une force nouvelle qui se lève, de ramener Tête Noire à la vie. Toutes les sorcières s’offusquent à cette proposition. Sanctus énonce alors qu’un jeune chevalier, portant l’image de l’Inferno Flamina, est arrivé à la cour. Et que celui qui porte une telle marque est le Guide, le Champion. Or Brynia qui protège Elgar, le fils de la reine Jamaniel, craint pour l’accession de celui-ci au trône avec cette survenue inopportune. Sanctus utilise alors son Fitchell pour tuer Brynia.
Au château, la sorcière terrée dans les bas-fonds s’empare de la personnalité de Jamaniel et lui commande de retrouver les ossements de Tête Noire.
Vivien des Aguries et Oriane vivent leur amour quand une chouette vient prévenir la jeune femme que sa mère, Dame Ceylan, est en danger. Jamaniel est près d’elle, prête à tout pour lui faire révéler où se trouve le tombeau de celui qui fut son amant, le père… d’Oriane.
L’ombre de Tête Noire pèse sur tout le récit de ce tome comme une aura maléfique. Les révélations, les actions s’enchaînent pour renforcer l’atmosphère lourde liée à cette succession royale, enjeu de tant de convoitises, de trahisons. On retrouve la fée Sanctus, un peu disparue depuis le second cycle, avec une détermination que ses précédentes apparitions pouvaient laisser entrevoir, espérer.
Les combats individuels, ne suffisent plus et c’est alors la guerre entre deux royaumes, entre deux clans de sorcières avec, pour possible arbitrage, l’inconnu lié aux motivations de Tête Noire.
Béatrice Tillier, qui a déjà illustré le scénario de Jean Dufaux, Le Bois des Vierges, en trois tomes, réalise le graphisme de ce troisième cycle, Les Sorcières. Son dessin réaliste, son trait élégant, sa manière particulière de travailler les couleurs donnent à ses planches un éclat singulier. Elle utilise, de façon fort pertinente, ses pastels pour faire ressentir les émotions des protagonistes, l’atmosphère de l’histoire.
Il faut remarquer une sensible évolution depuis le premier tome avec un assombrissement des planches, conséquence d’un ton de plus en plus noir de l’intrigue.
On pourrait regretter le délai de parution entre deux albums. Mais le résultat vaut la peine d’attendre. Les auteurs offrent un magnifique album où l’on retrouve le savoir-faire, l’art narratif de Jean Dufaux, un graphisme méticuleux de Béatrice Tillier en phase totale avec l’évolution du récit.
feuilleter cet album
serge perraud
Jean Dufaux (scénario) & Béatrice Tillier (dessin et couleurs), Complainte des Landes perdues — Cycle 3 : t.02 – Inferno, Dargaud, janvier 2019, 56 p. – 14,00 €.