Une épopée foisonnante d’aventures et de sentiments exacerbés
Linnea Hartsuyker s’inspire, pour étayer sa saga, de celle d’Harald à la Belle Chevelure telle que la raconte, au XIIIe siècle, Snorrri Sturluson dans Heimskringla. Celle-ci a été traduite en français dans deux ouvrages : Histoire des rois de Norvège et La Saga de St Olaf. Snorri Sturluson s’est basé sur une tradition orale venue jusqu’en Islande car, au IXe siècle, époque où se déroule la présente épopée, les populations locales ne possédaient pas encore d’alphabet. Il a donc traité son récit comme l’ont fait les collecteurs de contes et légendes que furent les frères Grimm, Andersen, Hoffmann…
Ragnvald est de retour après une expédition de pillages où il devait faire ses preuves de guerrier. Sur le bateau de Solvi, les hommes se lancent des défis. L’un d’eux consiste à courir sur les rames. Ragnvald fait une partie du trajet quand une rame se dérobe. Il demande de l’aide pour le sortir de l’eau glaciale mais Solvi le poignarde. Il coule.
Svanhild, sa sœur cadette, attend son retour avec impatience car il lui a promis de s’occuper d’elle et de son avenir. En attendant, elle assure des tâches ménagères mais n’est pas spécialement douée pour cela. Ils avaient dix et cinq ans lorsque Eystein, leur père, est mort. Olaf, son ami, a naturellement repris sa ferme et épousé la veuve. Mais le domaine ne lui appartient pas et doit revenir à Ragnvald à sa majorité. Or Olaf, qui se révèle très cruel, n’a pas l’intention de rendre son bien au garçon. D’ailleurs, les enfants soupçonnent celui-ci d’avoir tué leur père. Ils étaient partis tous les deux en expédition et seul Olaf est revenu. Ce dernier semble avoir demandé au roi Hunthiof de tuer Ragnvald. Il a confié cette tâche à Solvi, son fils, pendant leur expédition de pillages.
Ragnvald est sauvé par un pêcheur alors que Svanhild comprend que l’avenir qu’on lui propose ne lui convient pas. Elle veut être libre…
Le début du volume présente les différents personnages, les fratries complexes entre frères et demi-frères, sœurs et demi-sœurs, épouses, chefs de guerre, guerriers… Linnea Hartsuyker pose le cadre et le décor, dépeint les principaux royaumes et décrit la vie quotidienne des populations, leurs mœurs. Elle expose les liens entre des communautés, les alliances et entre dans les complots, les trahisons auxquels se livrent ces roitelets. Puis, elle accélère l’action, met en scène batailles, pillages, courses, combats, vengeances, massacres…
Mais, au-delà des actions musclées, elle développe toute une partie politique menée par Regnvald qui se révèle plus un fin stratège qu’un brutal guerrier. On voit émerger, peu à peu, ce qui deviendra la Norvège sous la houlette d’Harald à la Belle Chevelure, le premier roi digne de ce titre de ce pays.
Svanhild, compte-tenu de ses ambitions, est confrontée à un choix décisif qui doit bouleverser sa vie et, en conséquence, celle de son frère. Cette jeune femme possède un caractère complexe qui devrait l’amener à jouer un rôle important dans la suite. Si l’essentiel de ce récit s’appuie sur des personnages historiquement reconnus et légitimés, Linnea Hartsuyker introduit quelques protagonistes de fiction pour accroître les possibilités d’intrigues, pour multiplier les rebondissements et péripéties.
Un style alerte, une écriture tonique servent un récit musclé que l’on prend grand plaisir à suivre tant le contenu est riche.
serge perraud
Linnea Hartsuyker, La Saga des Vikings — Livre 1 : Ragnvald et le loup d’or ( The Half-Drowned King), traduit de l’anglais (États-Unis) par Marion Roman, Presses de la Cité, coll. Roman historique, octobre 2018, 560 p. – 22,50 €.