Courtney Barnett impose sa radicalité pour donner au rock un nouveau souffle venu des antipodes. Pour autant, et quand il le faut, l’artiste lui impose certains bémols. Sur “Need a little time” par exemple, elle s’apaise selon une densité subtile entre mélodie rock et accent grunge avant de reprendre le fil d’un album qui restera un des must de 2018.
Entre violence et douceur et dans une tradition australienne, Courtney Barnett ne se contente pas de jouer du cynisme de façade. Des points de fuite créent des abysses avant de dégorger l’âme en des sons de panique qui deviennent des interrogations. Reste une sorte de romantisme révolté contre la vie tel qu’elle est ou telle que les autres nous la réservent sous forme de granules.
Les guitares ont ici la part belle et rivalisent avec la voix superbe qui donne à un tel album une tonalité aussi déchirée que précieuse. Elles “disent” ce que les mots ne peuvent exprimer à eux seuls. Le rock granitique est plus que jamais décapant. Il ouvre des horizons avant de se métamorphoser, en final cut, en un morceau exceptionnel: “Sunday Roast”, qui renvoie bien des rockers chevronnés à leurs études.
L’énergie est vive même lorsqu’elle semble se casser. La musique hante la terre plus que le ciel et laisse éprouver une forme de hantise loin des horizons en lavis ou des broderies. Tout reste crucial, émouvant et sans coloriage. Les vibrations d’une voix introspective créent un dépliement aussi intime que rageur, chaleureux que roide.
jean-paul gavard-perret
Courtney Barnett, Tell Me How You Really Feel, Label Marathon Arttists / Pias, 2019.