Depuis son premier film, La vie de Jésus, jusqu’à P’tit Quinquin et Coin coin, en passant par Twentynine Palms, Flandres, Hadewijch, Hors Satan et Camille Claudel 1915, Bruno Dumont n’a de cesse de bousculer, d’interroger la “nature humaine”. Comme l’écrit Maryline Alligier : “Le cinéma de Bruno Dumont nous ramène à l’homme “aux commencements”, pris dans des zones de turbulences (…) un homme immergé dans le sensible du corps et de l’âme.”
Le réalisateur le fait à travers des images, sensorielles et imprévisibles, à l’écoute des rumeurs du monde et de l’être. Celui-ci tente de tenir debout en dépit du peu qu’il est même lorsqu’il prétend le contraire et chercher à “philosopher”.
Chaque personnage erre plein de désirs et de douleurs jusqu’à se dédoubler dans la dernière série (Coin coin). Tout le monde — pris entre terreur et douleur, désir et plaisir - est naïf dans son animalité. Rien ne tient vraiment debout. L’inquiétude est chez lui fondatrice même si les “héros” la vivent inconsciemment et comme tiraillés entre l’animalité et la “spiritualité”, la pesanteur et la grâce.
Les pulsions ne sont jamais loin, le corps reste primitif et brutal et se retrouve dans le meilleur des cas maladroit et stupide. Mais la vie est là en sa plénitude. Chacun, comme nous, est englué dans le tissu du réel entre terre et mer.
Les rumeurs du monde nous ramènent à une sorte de merveilleux paradoxal. Il n’a rien du conte de fée tant les faits sont têtus et dépassent ceux qui sont pris dedans comme dans une nasse.
jean-paul gavard-perret
Maryline Alligier, Bruno Dumont — L’animalité et la grâce, Edition Rouge Profond, 2018.