Florence Andoka, Préambule au jeu de dames

Quand de chant d’Elle brûle par les deux bouts

Florence Andoka accède à un autre niveau de conscience qu’est le corps au moment où, non scellé et clos, celui-ci se par­tage en dévers de tout maso­chisme et selon une expé­ri­men­ta­tion des­ti­née à révé­ler des plai­sirs périlleux. Le corps n’est donc plus une notion, un concept mais une quête sans fin de la sen­sa­tion.  Son éten­due se nour­rit d’émotions extrêmes sus­cep­tibles d’être vécues là où  l’hypothèse phé­no­mé­no­lo­gique  se récrée en un ima­gi­naire poé­tique binaire.
L’auteure en a puisé la source dans L’Âge d’homme de Michel Lei­ris et ses deux figures fémi­nines opposées.

La poé­tesse reprend cette expé­rience du double en elle même : “l’une que j’habite et l’autre que j’adule. L’affaire entre ces deux femmes se finit tou­jours mal, au mieux se brise-t-elle sur un silence.” Ce qui donne lieu en ce pré­am­bule à “un petit drame intime et cruel où l’une lais­sera des plumes empor­tées peut-être par l’autre.“
Existe une forme sub­tile d’auto-érotisation. Elle fait explo­ser l’habituel écri­ture dite d’autofiction en allant bien au-delà des effets de vérisme. Les amours deviennent mys­té­rieuses, tumul­tueuses et péné­trantes au milieu des caresses du coeur par effet de transsubstantiation.

Aux amours chiennes fit place un liber­ti­nage d’une ber­ge­rie d’un genre par­ti­cu­lier. L’abandon pro­grammé s’auto-suggère avec pré­ci­sion, finesse et ver­tige. L’amour se fait cour­tois, inédit et volup­tueux dans la perte pro­gram­mée des repères. L’écriture crée le fon­de­ment d’une sub­jec­ti­vité et immer­sion inédite et dio­ny­siaque. Tout est mis en place pour lut­ter contre l’évidence du dis­cours amou­reux et des pra­tiques com­munes.
La femme devient un être ludique et affecté. Elle échappe à elle-même — enfin presque, presque trop ou trop peu — en tant que sujet ration­nel. En ce jeu dan­ge­reux les dames émergent non telles qu’elles sont mais telles qu’elles deviennent au péril des abîmes pro­gram­més. L’une devient mul­tiple. Et d’une cer­taine manière, c’est à la fois le pro­blème déli­cieux et la qua­dra­ture de son cercle.

jean-paul gavard-perret

Flo­rence Andoka, Pré­am­bule au jeu de dames, Der­rière la Salle de Bains, Mai­son Dagoit, Rouen, 2019.

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Filed under Erotisme, Espaces ouverts, Poésie

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