Et nos pas côte à côte sur les chemins est une déambulation sur le fleuve qui — forcément — se nomme Amour. Même s’il est d’ici, au milieu de ses paysages photographiés au fil des saisons. Sa végétation devient presque une métaphore. Comme l’écrit le photographe, c’est une “végétation laissée à elle-même, entre le flot de lumière heureux de l’eau courante et les vestiges plus sombres des roselières, abandonnée aux suidés, ragots et cervidés dont le passage est, dans les berges vaseuses, labouré par les sources, quotidiennement tracé.“
Il ne s’agit pas pour autant d’un simple état de nature ou de paysages ornementaux. Ce sont — en échos de ceux de Julien Gracq — des visages. Ceux des temps rêvés à l’épreuve du temps passé. Car le temps passe : “je les arpentais jadis en connivence et compérage” écrit pudiquement Bélégou.
Il ne sait rien d’eux. Il sait tout. Il arpente la profondeur des rivages en oiseau migrateur. Il saisit les mouvements perpétuels de l’ombre et du soleil. Avec eux, il roule dans les songes et les cendres d’une mélancolie qui le hante. Il écoute la rumeur lointaine du fleuve. Il éprouve la tendresse étrange et les mystères que l’eau charrie à l’épreuve du temps. Il prolonge ses errances, sa mémoire. De tels chemins deviennent ses fables et lui reste l’homme d’amour malade.
Il lutte contre l’angoisse en passant en marge des foules au sein de telles images. A nouveau, il entre dans un roman où la mémoire se disperse, se rassemble en taches de couleurs où l’émotion reste intacte.
jean-paul gavard-perret
Jean-Claude Bélégou, Et nos pas côte à côte sur les chemins.
Voir le livre sur www.belegou.org
L’émotion grandit au fil du souffle des mots choisis comme des trésors
L’homme malade d’amour, le plus puissant des poètes