L’illusion de l’intime : Stefania Verganti
Habillées d’un magnifique manteau quasiment algorithmique ou nageant tel un « objet » introuvable, les femmes de Stefania Verganti entretiennent une confusion. La photographie est apparemment claire (quoique souvent sombre) mais ce rituel crée une tension entre divers types de visions. Existent donc bien des antinomies à l’œuvre dans de tels corpus ou le contradictoire et l’indécidable créent une fascination optique.
Chaque femme devient une substance qui s’avère le fruit du langage photographique et son nœud borroméen, selon des nouages du dessus et du dessous. L’artiste travaille cette question à sa façon, à sa main au rebours de la passion ordinaire des photographes qui habillent ou déshabillent les femmes à leur façon. D’où la subversion douce que propose Stefania Verganti.
La solitude de telles « narcisses » est-elle métaphysique, celle qui impose le non-rapport sexuel ? N’est-elle pas plutôt celle qui laisse chacun avec ses jouissances? La question mérite d’être posée là où « normalement » la photo est faite pour la jouissance, l’excitation et tout autant sa frustration.
L’artiste permet de « flairer » l’objet là où face, au voyeur , faire face c’est refaire surface là où la créatrice met tout l’écart souhaitable en la réalité et l’objet. Celui-ci, sous la douceur, est placé sur fond d’angoisse.
La femme devient le poste avancé contre un discours classique où, sous son voile de beauté, elle reste souvent « l’image » d’un abîme dans la réalité.
jean-paul gavard-perret
Photos by Stefania Verganti, Vogue editions, 2018.