Ce récit met en scène une époque où la science tente de se libérer des carcans pour s’épanouir et ouvrir ce qui deviendra l’ère industrielle. La médecine, la biologie sont en pleine évolution. Les médecins peinent à trouver des corps pour approfondir ses connaissances. La dissection est en plein essor comme l’art de l’hypnose.
L’une et l’autre servent de support à une intrigue où se mêlent des réminiscences de Frankenstein, de La Poupée sanglante… L’ombre de Sherlock Holmes plane avec des clones des Irréguliers de Baker Street. Robert Houdin, ce fantastique illusionniste prend part au récit…
Stanislas Andrzej et Joseph partagent tout. Le premier est détective et le second est médecin. Ce dernier est un fils de famille en rupture avec son père alors que l’autre est l’enfant de la nourrice qui les a élevés tous les deux. Très proches l’un de l’autre ils sont, cependant, dans des relations de rivalité. Ils ont du mal à boucler les fins de mois. Émile Dauger, un apprenti couvreur, vient trouver Stanislas parce que Marie, sa sœur, a disparu depuis dix jours. Les policiers ne veulent rien faire pensant qu’elle est partie avec un gars. Le détective n’hésite pas à prendre l’affaire, voyant là l’occasion de gagner quelques sous, d’accéder à une certaine notoriété et en terminer avec : “…ses filatures pour maris cocus.“
Pour avoir plus de renseignements sur cette Marie, une jeune couturière, il mobilise Milo un gamin à la tête d’une bande de gosses des rues. Quelques jours plus tard, Milo lui apprend que ce n’est pas une, mais trois jeunes filles de condition modeste qui ont disparu en une semaine dans le quartier…
Avec cette histoire, la scénariste fait rêver ses personnages à une autre immortalité en se transférant dans une machine ou en y installant le cerveau, voire l’âme. Pour faire vivre l’intrigue, la scénariste concocte un couple de héros masculins unis par des liens tissés dès la plus tendre enfance, les liens de lait puisqu’ils ont partagé la même nourrice. Joseph est fâché avec son père et rechigne à en dépendre. Les parents de Stanislas sont issus de la Grande Émigration de Polonais, qui, après l’insurrection de novembre 1830, ont été contraints à l’exil et ont trouvé refuge en France. Il aime concevoir des objets nouveaux mettant en œuvre les nouvelles possibilités technologiques.
Le titre, très intrigant, est le nom d’un papillon de nuit. La scénariste souhaite-t-elle rappeler que nombre d’insectes, dont les papillons, mutent de façon spectaculaire ?
La mise en images est de Sylvain Ferret. Avec cette série, il aborde la bande dessinée. Féru de nouvelles technologies, des moyens modernes de création, il réalise cet album entièrement en numérique un outil que, au vu du résultat, il maîtrise fort bien. Il apprécie les gros plans, il aime zoomer sur des détails pour une mise en scène dynamique et du plus bel effet. Le travail sur le contenu des vignettes, sur la perspective, sur les cadrages et la mise en scène porte ses fruits.
Un premier tome dynamique, avec une intrigue solide appuyée sur un fond historique et littéraire documentés, mis en images avec virtuosité.
serge perraud
Alexie Durand (scénario) & Sylvain Ferret (dessin et couleurs), Les Métamorphoses 1858 – t.01 : Tyria Jacobaeae, Delcourt, coll. Conquistador, janvier 2019, 64 p. – 15,50 €.