La Préhistoire vécue par un adolescent d’aujourd’hui
Le scénariste continue l’explorer l’univers qu’il a créé, d’exploiter toutes les possibilités offertes par la confrontation de deux sociétés très éloignées l’une de l’autre, par le décalage entre elles. La technologie avancée se révèle inefficace dans un monde agraire réduit à sa plus simple expression : la cueillette et la chasse de proies accessibles.
Avec une magnifique conclusion, Brice Cossu démontre que le fil de son histoire est pensé dès le début, que la construction ne s’est pas faite au fil des albums, mais conçu pour une superbe pirouette. Celle-ci ouvre, d’ailleurs, sur un nouveau cycle dont on a du mal à percevoir le cheminement, même si l’on se doute de la teneur de la conclusion finale.
Franck est toujours coincé dans la Préhistoire. Il décide d’utiliser le reste de charge de la batterie de son smartphone pour raconter ce qui lui est arrivé, filmer son entourage et lancer un message de détresse. Il a bien du mal à enregistrer avec Kenza toujours très curieuse et Grenouille, son bambin attiré par l’appareil. Quand il jette, comme une bouteille à la mer, son smartphone dans le lac par lequel il est arrivé, celui-ci commence à bouillonner. Des pierres tombent du plafond de la caverne. Franck comprend que le volcan où il habite avec la tribu entre en éruption.
Rejoint par Kenza, ils essaient de sortir. Une crevasse s’ouvre devant elle. Si son agilité lui permet de sauter, il n’en n’est pas de même pour l’adolescent qui se retrouve au bord d’un lac de lave… Loin de percevoir le danger, les membres de la tribu utilisent les coulées de lave pour faire cuire la viande, pour faire des brchtts (des brochiottes). Profitant des circonstances, Chipolata enlève Grenouille pour en faire un otage et récupérer leur caverne, mais une caverne dans un volcan qui se réveille
Avec ses deux sociétés très éloignées l’une de l’autre, Brice Cossu illustre bien les difficultés de la communication. Celles-ci sont fréquente, par exemple, entre les pratiquants de métiers différents où chacun use de son propre vocabulaire, de mots qui ne recouvrent pas un même concept, le même usage d’un objet. Essayez de suivre le discours d’un médecin qui ne fait pas un effort de vulgarisation !
Le dessin d’Olivier Bocquet reste toujours aussi expressif, entre réalisme et caricature, entre drame et comédie. Il excelle à mettre en images des expressions excessives et des sentiments partagés. Les décors préhistoriques restent peu développés, mais on peut facilement imaginer qu’Olivier Bocquet dispose de peu de documentation pour illustrer la réalité de l’époque. Cependant, il réussit à rendre une préhistoire telle que chacun peut l’imaginer compte tenu des connaissances que l’on peut en avoir.
Brice Cossu et Olivier Bocquet réalisent une série séduisante par le cadre novateur et par ses flots d’humour en jouant sur les anachronismes.
serge perraud
Brice Cossu (scénario), Olivier Bocquet (dessin) & Yoann Guillo (couleurs), FRNCK — t.04 : L’éruption, Dupuis, août 2018, 60 p. – 10,95 €.