Dossier Largo Winch 2, Philippe Francq, Jean Van Hamme.

Les der­niers albums retra­çant les aven­tures du mil­liar­daire beau gosse en blue jeans…

Lire la pre­mière par­tie du dossier…

III — Les albums dans le détail (suite)


 “Voir Venise…“
Dans les rues de Venise, un homme tente d’échapper à un groupe de tueurs à ses trousses. Avant de mou­rir, il par­vient à faxer un mes­sage adressé à Largo Winch : “Pre­nez garde au doge…”.
Largo Winch passe quelques jours, à Paris, avec Cha­rity, celle qui lui a per­mis de quit­ter la Tur­quie lors de sa pre­mière aven­ture. Mais ils doivent à nou­veau se sépa­rer. Largo Winch doit retour­ner à New York et Cha­rity à Venise où son amie d’enfance Dome­nica l’attend.

De retour à New York, Largo fait connais­sance avec son nou­veau major­dome, Tyler, qui a pour but de faire de lui un vrai gent­le­man. Au cours d’un repas d’affaires, Largo Winch apprend que Robert B. Cot­ton vient de prendre la direc­tion de la C.A.S.P.E., une orga­ni­sa­tion pétro­lière ayant pour but de faire res­pec­ter le taux des royal­ties rever­sées aux pays pro­prié­taires des sous-sols, au moment où la Woilco (divi­sion pétrole du groupe W) négo­cie de nou­veaux contrats.
Pen­dant ce temps, un homme cherche, dans les bureaux du groupe W, à effa­cer toute trace du fax en pro­ve­nance de Venise, afin que Largo Winch n’en soit pas averti. Peu avant l’arrivée de Cha­rity, à Venise, Dome­nica reçoit la visite de deux terroristes…

Un album plus soi­gné gra­phi­que­ment que les pré­cé­dents. où le sieur Robert B. Cot­ton semble en passe de s’affirmer comme l’ennemi juré de Largo Winch. On retrouve en outre ici la sublime Cha­rity, dont on était sans nou­velles depuis qu’elle avait rac­cro­ché au nez de Largo Winch, au début de l’album “Le Groupe W”.

”… Et mou­rir“
À Venise, Dome­nica apprend à Largo, à peine arrivé de New York pour véri­fier si Cha­rity n’est pas en dan­ger, que celle-ci vient de se faire enle­ver par un groupe de ter­ro­ristes. La police muni­ci­pale ne pou­vant lui venir en aide, Largo décide de mener seul l’enquête. Il apprend notam­ment que le Doge, dont il devait se méfier, serait Son Excel­lence le duc Fran­cesco Leri­dan, l’organisateur du bal mas­qué auquel Largo avait été invité. Celui-ci décide donc d’assiter à ce bal, dont il avait rejeté l’invitation, en pre­nant la place d’un des invi­tés afin d’en apprendre plus au sujet du Doge. On retrouve enfin le Largo qu’on a connu dans “L’héritier” ou dans “Busi­ness Blues” ; c’est un Largo qui n’a pas le temps de s’arrêter pour souf­fler. En effet, Francq disait dans une inter­view qu’il ne sup­por­tait pas de des­si­ner des situa­tions qui s’éternisent.

 Le des­sin est tou­jours aussi soi­gné et le scé­na­rio, signé Van Hamme, tend de plus en plus vers ceux des meilleurs James Bond. Encore un très bon album à se procurer.

 “Gol­den Gate”

Grand voya­geur, Largo passe des canaux de la Séré­ni­sisme de “Voir Venise”… “…et mou­rir” aux canaux de la télé­vi­sion. Cette décou­verte du fonc­tion­ne­ment — et des magouilles cra­pu­leuses — de l’audiovisuel et des chaînes pri­vées en guerre ouverte se fait, pour le mil­liar­daire en blue jeans par le biais de son vieux com­pa­gnon d’aventures, Simon Ovron­naz, engagé dans des condi­tions obs­cures pour jouer (mal) les caïds dans une série réa­li­sée par W9, la chaîne du Groupe Winch.
Très rapi­de­ment, Largo se penche sur le plan de finan­ce­ment de la série, ce qui ne manque pas de lui atti­rer les foudres de ceux qui com­plotent à l’ombre des écrans TV.

 Action et séduc­tion sont au rendez-vous de cet épi­sode maî­trisé par Jean Van Hamme, scé­na­riste multi-cartes (XIII, Thor­gal…) et bien servi par le trait réa­liste de Francq, tou­jours aussi efficace.

 “Sha­dow”

On avait laissé Winch dans “Gol­den Gate” en sin­gu­lière pos­ture. Devenu du jour au len­de­main la vedette d’un feuille­ton télé dau­besque — un “Sha­dow” qui même à un “s” prêt n’a rien de cas­sa­vet­tien — enre­gis­tré à San Fran­cisco et pro­duit par une filiale du groupe, W9, l’ami de Largo Simon Ovron­naz, pétait un câble tan­dis que son mil­liar­daire de copain se met­tait à cou­per les che­veux et les dol­lars en quatre afin de déter­mi­ner quelle fac­tion (sédi­tieuse, n’en dou­tez pas) se dis­si­mu­lait der­rière ce cas­ting dou­teux au finan­ce­ment trop consé­quent pour ne pas recou­vrir d’autres inten­tions. L’affaire était d’ailleurs suf­fi­sam­ment louche pour que, piégé comme un débu­tant, Largo se retrouve en pri­son (accusé de viol sur mineure) aux côtés de Cochrane, numéro 2 du groupe W, inculpé quant à lui par l’I.R.$ (le ser­vice du fisc amé­ri­cain) pour fraude fis­cale.
Bref, c’était la Béré­zina totale au pays des sunlights.…

 “Sha­dow”, dou­zième opus de la série, met un heu­reux terme à l’inconfort des uns et des autres tout en rabi­bo­chant les deux amis. Entre-temps Largo aura réglé ses comptes avec un autre groupe finan­cier ayant monté toute cette opé­ra­tion pour lui faire un sort, sauvé d’une bande de rats et d’un snuff-movie cro­qui­gno­let une de ses employées, Sarah Washing­ton, sou­dai­ne­ment dis­pa­rue dans le tome pré­cé­dent, échappé lui-même à un enter­re­ment dans le désert ins­piré des rituels nava­jos, sa tête seule émer­geant du sable, à la merci des scor­pions et des fourmis !

Rien de neuf sous le soleil de l’inspiration scé­na­ris­tique direz-vous ? En un cer­tain sens force est de recon­naître que la mix­tion d’économie, de méga­bu­si­ness et de world enter­prise qui carac­té­rise la saga se dévide avec régu­la­rité d’un album à l’autre — ce qui ne déplaît pas au lec­to­rat, loin s’en faut, puisque Largo Winch se décline déjà à tra­vers de nom­breux sup­ports mar­ke­ting : série TV, jeu vidéo, par­fum… etc. Qui ne s’amusera pas — ou ne s’inquiétera pas c’est selon — à ce pro­pos que la réa­lité rejoigne en la matière la fic­tion, le feuille­ton Largo Winch venant d’être lancé sur M6 au moment où paraît cet album consa­cré à l’entertainment et aux pla­teaux de télé­vi­sion… Quoi qu’il en soit, on aurait mau­vaise grâce à ne pas admettre que les rebon­dis­se­ments fonc­tionnent bien, que le sus­pense et les scènes d’action sont au rendez-vous. “Sha­dow” est d’ailleurs plus dense, plus struc­turé que “Gol­den Gate” et même si de longues bulles expli­ca­tives empèsent par­fois le dérou­le­ment de l’intrigue mise sans faille en bouche par le des­sin lim­pide et carré de Francq, Largo nous expose une nou­velle fois de manière magis­trale la per­ver­sion des requins de la finance qui en veulent tou­jours plus. Un peu comme les lec­teurs en mal de pro­jec­tions iden­ti­taires et de sen­sa­tions somme toute, signe peut-être que, confor­ta­ble­ment à l’abri dans un para­dis fis­cal ou sau­va­ge­ment expo­sée à la déré­lic­tion sociale, la gent humaine demeure tou­jours rivée aux mêmes (bas) instincts…

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“Le Prix de l’argent“
Une fois n’est pas cou­tume, le beau Largo se trouve dès le début de cet album dans la mouise jusqu’au cou, à croire qu’il attire autant les ennuis que le regard des femmes. En effet, alors qu’il est invité sur le pla­teau de l’émission “Le Prix de l’Argent”, notre frin­gant mil­liar­daire a à peine le temps de se lan­cer dans un cou­plet sur sa défi­ni­tion fuyante de la mon­dia­li­sa­tion, lui qui est appa­rem­ment si sou­cieux de la misère du monde (humm), qu’il assiste au sui­cide en direct de Den­nis Tar­rant, l’ancien direc­teur d’une des mille entre­prises du groupe W, Speed One, dis­soute il y a peu. Les taches fai­sant mau­vais ménage avec les paillettes, sur­tout lorsqu’elles maculent aussi les camé­ras, Largo, accusé d’homicide, s’envole illico pour le Mon­tana afin d’enquêter sur place sur les comptes de Speed one, entre­prise de construc­tion de skis appe­lée à être délo­ca­li­sée en Tché­quie.
Bien évi­dem­ment il n’est pas le bien­venu chez les locaux, qui le reçoivent à leur façon et notre play-boy amo­ché ne trou­vera récon­fort que dans les bras de la fille, aveugle, de Tar­rant, dont on devine qu’elle sera sa pro­chaine conquête. Bien évi­dem­ment il y a magouille sur roche et l’on pressent que la mul­ti­na­tio­nale mil­liar­daire qu’est le groupe W est blanche comme neige quant au sui­cide de Tar­rant orches­tré par des per­sonnes mal­veillantes. Sur un air télé­phoné, l’intérêt de ce “Prix de l’argent” réside plu­tôt dans la sou­daine soli­tude qui pèse sur les épaules de Winch, que ses deux amis Simon et Freddy sont fati­gués de suivre dans ses démê­lées. Van Hamme comble les attentes de ses lec­teurs au pas­sage en pro­po­sant ici la suite de l’histoire de Freddy Kaplan, alias Ari Ben Chaïm, per­son­nage énig­ma­tique qui accom­pagne Largo depuis plus long­temps que Simon et dont le passé, en par­tie révélé dans “Gol­den Gate”, n’avait pas encore été tota­le­ment éclairé par les feux du flash back. Sans doute pas le meilleur album de la série qui tend à se relâ­cher quelque peu depuis le tome 11, pas celui en tout cas qui amène à une prise de posi­tion cri­tique par rap­port à la ques­tion géo­po­li­tique de la mon­dia­li­sa­tion ou à la casuis­tique d’un PDG de groupe inter­na­tio­nal, mais une intrigue de bon ton qui suit son bon­homme (fri­qué) de chemin.

 “La loi du dollar”

Le pré­cé­dent tome, “Le prix de l’argent”, nous a exposé les affres de Winch, mil­liar­daire en fuite car accusé d’avoir pro­vo­qué la mort en direct du direc­teur d’une petite société d’équipement spor­tif, Speed One, au capi­tal détenu majo­ri­tai­re­ment par le Groupe W. Suite à une délo­ca­li­sa­tion pour cause de cota­tions en bourse et autres spé­cu­la­tions de requins en cols blancs, Tar­rant s’est tiré une balle dans la tête (deux mille cinq cents tra­vailleurs ont été licen­ciés, la comp­table du W dépê­chée sur place assas­si­née) et Largo est désor­mais tra­qué, outre les gar­diens de l’ordre (moné­taire), par un avo­cat aux dents longues qui entend lui faire rendre gorge des paquets de dol­lar dont il a le contrôle. Bref, Largo n’a plus le temps de se raser de près et même ses com­pa­gnons d’infortune des pré­cé­dents tomes le boudent quelque peu, soup­çon­nant (cor­rup­tion de l’argent aidant) qu’il est devenu un grand vilain — lui aussi. Tel n’est pas le cas bien entendu, et après la des­cente aux abysses du gol­den boy, c’est ici à la résur­rec­tion du dieu Winch que l’on assiste, en vertu d’un schéma plu­tôt récur­rent (pour ne pas dire usé) dans la saga orches­trée par Van Hamme.
Largo mène donc son enquête pour (se) faire jus­tice (cha­rité bien ordon­née…), ce qui va lui per­mettre d’épingler à son tableau de chasse quelques cra­pules sup­plé­men­taires. Ainsi découvre-t-il, ô infa­mie, un refrain naguère pulsé en métro­pole par un groupe de rap qui com­men­çait alors tout juste à faire par­ler de lui : J’en ai le sen­ti­ment, l’argent pour­rit les gens. La mon­dia­li­sa­tion en est pour ses frais (une prise de conscience pas­sant jus­te­ment par l’achat de cet album, hum…), dont acte. Rien de nou­veau donc sous le soleil de l’empire win­chien et des de stock-options (déjà mises en scène dans le pré­cé­dent cycle “O.P.A.”). Largo est grand, il est beau il est bon, les femmes sont folles de lui, seuls changent les per­son­nages satel­lites qui gra­vitent autour de sa noble sta­ture… etc.

L’aventure est menée tam­bour bat­tant (Jean Van Hamme a de la bou­teille tout de même), Phi­lippe Francq excelle plus que jamais dans un des­sin hyper­réa­liste et les cou­leurs sont impec­cables : voilà un produit-BD comme cer­tains en raf­folent, sans nul doute. Ceux que lassent les vieilles lunes des com­plots politico-financiers et des super héros à qui tout sou­rit devront trou­ver ailleurs de quoi ali­men­ter les rêves qui leur res­tent. Ou répondre aux lan­ci­nantes et véri­tables ques­tions qui demeurent, du genre : jusqu’où cha­cun de nous consentirait-il à aller pour réa­li­ser le maxi­mum de pro­fit aux dépens d’autrui ? Mais il est vrai que, on l’oublierait pour un peu, la casuis­tique, Largo, c’est pas son truc.

IV - Réca­pi­tu­la­tif des titres parus

- “L’Héritier” (1er novembre 1990)
– “Le Groupe W” (4 sep­tembre 1991)
– “O.P.A.” (4 novembre 1992)
– “Busi­ness Blues” (6 octobre 1993)
– “H” (7 sep­tembre 1994)
– “Dutch Connec­tion” (7 juin 1995)
– “La For­te­resse de Maki­ling” (5 juin 1996)
– “L’Heure du Tigre” (4 juin 1997)
– “Voir Venise…” (8 sep­tembre 1998)
– “…Et mou­rir” (6 sep­tembre 1999)
– “Gol­den Gate” (6 décembre 2000)
– “Sha­dow” (26 juin 2002)
– “Le Prix de l’argent” (2 juin 2004)
– “La Loi du dol­lar” (2 novembre 2005)

 

Avec l’aimable auto­ri­sa­tion des édi­tions Dupuis

fre­de­ric grolleau

   
 

La série Largo Winch est des­si­née par Phi­lippe Francq et scé­na­ri­sée par Jean Van Hamme.

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