Le bazar ambulant de Gérard Macé
Gérard Macé réunit en une édition augmentée trois blocs-livres parus au virage du millénaire dans la collection “Le Promeneur” (Colportage I, II, III, Gallimard). Se retrouvent les lectures, traductions et images de celui qui fut photographe avec ou sans appareil. Comme Aléchinsky dont il parle, Macé se veut “ambidextre” capable de dessiner le monde à travers tous ses travaux et leur arsenal hétéroclite.
Se mêlent ici le voyageur, l’esthète critique, le traducteur. Macé ligature et marie des éléments épars du monde comme de la littérature. Il confronte son regard avec Rome, Istambul, Kyoto, Lisbonne, l’Afrique comme à travers ses auteurs de chevet (Pierre Michon, Louis-René des Forêts, Jean Tardieu entre autres) et ceux qu’il traduit (Dante, Mario Praz, Leopardi, Svevo, Borgès).
L’écrivain juxtapose des mouvements de reflux et de flux. Tout navigue entre un désir et un plaisir. La morphine-base de l’écriture apaise les douleurs, sollicite la réflexion. Elle est pour Macé l’hématome crochu de l’éternelle errance plus que d’un voyage autour d’une chambre où il stockerait ses expériences.
Créer n’est plus produire du flegmon mais de l’œuf. C’est réinventer des expériences diverses d’analyse et de création qui n’ont rien du “gigot de celluloïd”. D’où la densité émotionnelle du corpus. Il sollicite et agite l’esprit. Existent autant un magma qu’une fluidité dans ce qui tient d’un théâtre de l’existence ouvert à une multiplicité d’interprétations.
jean-paul gavard-perret
Gérard Macé, Colportage, Gallimard, Paris, 2018, 594 p. — 29,00 €.