Benjamin Hoffmann, Les paradoxes de la postérité

Dignité de l’absurde ou le para­doxe de l’écrivain

Dans notre société occi­den­tale, l’affirmation du “moi” n’est pas chose négli­geable. Cha­cun rêve d’être célèbre au moins un quart d’heure dans sa vie. Mais, pour les ambi­tieux, la ten­ta­tion est plus grande : il s’agit de sur­vivre à la condi­tion de mor­tel. Les plus humbles ou les plus rai­son­nables se contentent de pro­créer. Les plus riches tablent sur leur for­tune pour per­pé­tuer leur impor­tance.
Ceux qui hypo­sta­sient une sur­vie spi­ri­tuelle espèrent lais­ser une oeuvre pour illu­mi­ner non seule­ment le visage de leurs enfants mais celui du monde.Bref, ils font le pari  de la pos­té­rité  lit­té­raire. Et l’auteur accorde à ces êtres bizarres toute sa com­pas­sion et sa ten­dresse amu­sée. Il sait que cela ne gué­rit de rien. Et sur­tout pas de la mala­die de la mort. Mais il est plein de condes­cen­dance pour ses confrères qui espèrent  une immor­ta­lité non seule­ment spi­ri­tuelle ou sym­bo­lique mais littérale.

C’est mal connaître les passes et impasses de la pos­té­rité. D’autant qu’en sus, et d’un simple point de vue sta­tis­tique, elle n’a rien d’universelle. Même un Sha­kes­peare a du souci à se faire : son “empreinte mémo­rielle” ne repré­sente qu’un très faible pour­cen­tage de lec­teurs. Néan­moins, Hoff­mann ne veut pas décou­ra­ger ses alter ego même si sa méta­phore infor­ma­tique désta­bi­lise encore plus la dis­tri­bu­tion aléa­toire des pseudo-couronnes de l’immortalité. Les sys­tèmes infor­ma­tiques per­mettent de battre en brèche “la repré­sen­ta­tion topique du grand écri­vain” écrit Hoff­mann.
Mais qu’à cela ne tienne. A chaque jour suf­fit sa peine. Et dans le dur désir de durer, le tra­jet compte plus que l’objectif. Nul ne peut pré­voir ce der­nier. “Culti­ver son jar­din” comme l’écrivait Vol­taire doit suf­fire à sa peine. Lui-même pen­sait acqué­rir sa sur­vie par le théâtre. La pos­té­rité en a jugé autrement.

jean-paul gavard-perret

Ben­ja­min Hoff­mann, Les para­doxes de la pos­té­rité, éditions de Minuit, coll. “Para­doxe”, Paris, 2018, 256 p. — 29,00 €.

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