Christine Célarier cultive une écriture rare, lumineuse mais non aveuglante car riche d“irisations là où les éléments premiers se mêlent dans une matrice que la “narratrice” remonte :“Ses mains cherchent alors les fondations poudreuses des façades englouties. Des sédiments et des sels argentés s’accrochent à ses paumes, à ses doigts. Elle frotte ses mains couvertes de ces fines particules et les fait remonter le long de ses avant bras en un tatouage sauvage.” Sommes-nous du côté de la chimère ou de la vérité ? Les deux sans doute car elles ne sont pas incompatibles.
Tout un féminin de l’être — où le terme de pécheresse prend un nouveau sens détaché du poids des Bible et Zoar — transparaît de manière poétique dans “une pavane aquatique” que ponctuent les rythmes du coeur. Un tel giron absorbe les chocs, retire des eaux lustrales tout ce qui est superfétatoire. La plongée en apnée dans l’indicible est donc possible. Et, après chaque remontée, le même mouvement de fusion reprend. Eau et sang ne font qu’un dans un mouvement immarcescible. La femme s’y fait la plus étrange des sirènes. Celle qui n’a pas à tromper les mâles car elle a mieux à faire.
Une telle poésie possède une puissance d’enveloppement. La plongeuse y croisent ses soeurs et leurs coeurs. Une telle ostentation dans la dynamique des fluides acquiert un aspect particulier : le texte de l’ordre de l’énigme et du mystère. Pas question de donner des clés au lecteur sinon celles — métaphoriques ou non — que les indices offerts indiquent et où les secrets montrés ne possèdent rien de salace.
Proche de l’intime, la créatrice ne s’abandonne jamais à une telle facilité et commodité. Le livre est donc l’histoire d’une accession à soi par l’intermédiaire de l’eau première là où l’Une devient multiple.
jean-paul gavard-perret
Christine Célarier, Sang lagunaire, Maison Dagoit, Rouen, 2018 — 8,00 €.
ondulations vibrantes…