Quand la fascination s’exerce…
L’intrigue se construit autour de trois grands thèmes : le tigre, l’Inde et la lecture. Le tigre, appelé Akhil occupe une place centrale avec Derek qui raconte à la première personne du singulier. Tout le récit passe par lui, un fou de lecture au passé militaire difficile. Il a fait la guerre et en garde des séquelles psychologiques qui entraînent des cauchemars. “Il ignore ce que j’ai commis, ce à quoi la guerre m’a poussé”, confesse-t-il. Il raconte la fascination qu’exerce le tigre sur les populations, la terreur qu’il inspire mais aussi le respect, nombre de personnes le considérant à l’égal d’une divinité.
Derek Ardo, un ancien militaire anglais est envoyé par la fondation Rosen à Aramsha, une petite cité des Ghâts, une région de forêts au bord de la mer d’Oman. Il est accueilli par Gerda Pills, une humanitaire installée depuis vingt ans. Il est muté de Calcutta parce qu’il est un peu ferme avec les enfants, sévérité qu’il attribue à son passé militaire. Il prend possession du centre culturel dont il sera l’animateur. Il est seul dans ce bâtiment flambant neuf. Pourtant, sous la douche, il a le sentiment d’une présence. Plus tard, un bruit l’alerte. Devant la porte, une voiture et trois policiers. Un buffle a été tué dans la nuit. Comme cela ne s’est jamais produit et qu’il vient d’arriver, les policiers y voient un lien et l’arrêtent. Gerda intervient car la présence d’un tigre est indéniable.
Pour déjeuner, il se rend à une cuisine ambulante et sympathise avec le tenancier qui, lorsqu’il s’en va, lui dit : “Anglais : tu es en danger.” Et il lui explique qu’il a pris la place du tigre. Pour les premières visites il reçoit une fillette de huit ans, Aparajita, et Trishna, une jeune femme d’une vingtaine d’années, envoyée par Gerda pour le seconder. Quand pendant son footing, il trouve dans la forêt le cadavre d’un jeune homme disparu, qu’il en fait part à la police on le remercie en lui demandant de bien vouloir se mêler de ses affaires. Il n’y a jamais eu de tigre à Aramsha !
Mais les morts se succèdent. Derek décide alors de traquer lui-même le fauve…
Par Derek l’auteur décrit la façon de vivre du fauve, de se déplacer, de se fondre dans la nature, d’attaquer toujours par derrière pour étouffer ses proies. Mais il donne aussi la parole au fauve lui faisant, en quelques pages disséminées dans le roman, dévoiler ses motivations.
Puis, avec le regard de Derek, Michel Honaker raconte l’Inde, le quotidien d’une petite cité où les traditions sont encore très fortes, la notion bien différente du temps, la vie des habitants et le poids des intégristes. La situation des femmes est affolante. “En Inde, il y a des lois pour préserver les animaux, mais pas les femmes.“
Puis il évoque la lecture, l’attrait de celle-ci mais il ne fait vivre son amour qu’à travers trois principaux romans Frankenstein qui vaut à Derek de se retrouver à Aramsha, Le Livre de la jungle, tout à fait approprié au cadre et L’Île au trésor, le fameux roman de Stevenson.
Avec La nuit appartient au tigre, Michel Honaker livre une sorte de fable dans un décor dépaysant à souhait, donnant moult précisions et informations sur ce pays avec des personnages particulièrement attachants.
serge perraud
Michel Honaker, La nuit appartient au tigre, Éditions 10/18 n° 5346, novembre 2018, 192 p. – 7,10 €.