Michel Honaker, La nuit appartient au tigre

Quand la fas­ci­na­tion s’exerce…

L’intrigue se construit autour de trois grands thèmes : le tigre, l’Inde et la lec­ture. Le tigre, appelé Akhil occupe une place cen­trale avec Derek qui raconte à la pre­mière per­sonne du sin­gu­lier. Tout le récit passe par lui, un fou de lec­ture au passé mili­taire dif­fi­cile. Il a fait la guerre et en garde des séquelles psy­cho­lo­giques qui entraînent des cau­che­mars. “Il ignore ce que j’ai com­mis, ce à quoi la guerre m’a poussé”, confesse-t-il. Il raconte la fas­ci­na­tion qu’exerce le tigre sur les popu­la­tions, la ter­reur qu’il ins­pire mais aussi le res­pect, nombre de per­sonnes le consi­dé­rant à l’égal d’une divinité.

Derek Ardo, un ancien mili­taire anglais est envoyé par la fon­da­tion Rosen à Aram­sha, une petite cité des Ghâts, une région de forêts au bord de la mer d’Oman. Il est accueilli par Gerda Pills, une huma­ni­taire ins­tal­lée depuis vingt ans. Il est muté de Cal­cutta parce qu’il est un peu ferme avec les enfants, sévé­rité qu’il attri­bue à son passé mili­taire. Il prend pos­ses­sion du centre cultu­rel dont il sera l’animateur. Il est seul dans ce bâti­ment flam­bant neuf. Pour­tant, sous la douche, il a le sen­ti­ment d’une pré­sence. Plus tard, un bruit l’alerte. Devant la porte, une voi­ture et trois poli­ciers. Un buffle a été tué dans la nuit. Comme cela ne s’est jamais pro­duit et qu’il vient d’arriver, les poli­ciers y voient un lien et l’arrêtent. Gerda inter­vient car la pré­sence d’un tigre est indé­niable.
Pour déjeu­ner, il se rend à une cui­sine ambu­lante et sym­pa­thise avec le tenan­cier qui, lorsqu’il s’en va, lui dit : “Anglais : tu es en dan­ger.” Et il lui explique qu’il a pris la place du tigre. Pour les pre­mières visites il reçoit une fillette de huit ans, Apa­ra­jita, et Tri­shna, une jeune femme d’une ving­taine d’années, envoyée par Gerda pour le secon­der. Quand pen­dant son foo­ting, il trouve dans la forêt le cadavre d’un jeune homme dis­paru, qu’il en fait part à la police on le remer­cie en lui deman­dant de bien vou­loir se mêler de ses affaires. Il n’y a jamais eu de tigre à Aram­sha !
Mais les morts se suc­cèdent. Derek décide alors de tra­quer lui-même le fauve…

Par Derek l’auteur décrit la façon de vivre du fauve, de se dépla­cer, de se fondre dans la nature, d’attaquer tou­jours par der­rière pour étouf­fer ses proies. Mais il donne aussi la parole au fauve lui fai­sant, en quelques pages dis­sé­mi­nées dans le roman, dévoi­ler ses moti­va­tions.
Puis, avec le regard de Derek, Michel Hona­ker raconte l’Inde, le quo­ti­dien d’une petite cité où les tra­di­tions sont encore très fortes, la notion bien dif­fé­rente du temps, la vie des habi­tants et le poids des inté­gristes. La situa­tion des femmes est affo­lante. “En Inde, il y a des lois pour pré­ser­ver les ani­maux, mais pas les femmes.“
Puis il évoque la lec­ture, l’attrait de celle-ci mais il ne fait vivre son amour qu’à tra­vers trois prin­ci­paux romans Fran­ken­stein qui vaut à Derek de se retrou­ver à Aram­sha, Le Livre de la jungle, tout à fait appro­prié au cadre et L’Île au tré­sor, le fameux roman de Stevenson.

Avec La nuit appar­tient au tigre, Michel Hona­ker livre une sorte de fable dans un décor dépay­sant à sou­hait, don­nant moult pré­ci­sions et infor­ma­tions sur ce pays avec des per­son­nages par­ti­cu­liè­re­ment attachants.

serge per­raud

Michel Hona­ker, La nuit appar­tient au tigre, Édi­tions 10/18 n° 5346, novembre 2018, 192 p. – 7,10 €.

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