Quand la mythologie prend corps…
Avec ce premier volet d’un second diptyque, Sylvain Runberg reprend ses deux héros, à savoir Eva Sundström, inspectrice à la police criminelle de Stockholm et Josef Wörg, un archéologue spécialiste de la civilisation viking, de sa mythologie et de ses runes.
Si, dans le premier diptyque (La Première peau – Le Quatrième Frère, Glénat 2016), le scénariste avait donné une intrigue composée d’une part de thriller, ici il plante dès le début un décor fantastique avec les créatures de la mythologie nordique et celles que sa vive imagination lui permet de mettre en scène.
Un agent de l’office de l’immigration suédoise visite une famille arrivée depuis plus d’un an. Le père est allée chercher Elias, son fils, au collège et ils font un tour dans la forêt avant de revenir. Ils sont en retard. Soudain Elias fait irruption, le visage ensanglanté, en hurlant : “Les monstres nous ont attaqués quand on était dans les bois. Ils sont sortis du sol et ils ont pris Papa.“
Eva et deux de ses amies sortent du stade où elles ont assisté à un match de foot et attendent le métro. Brutalement, cinq hommes les attaquent violemment. Si Eva se défend, Emmy est sérieusement blessée. La police arrête les agresseurs. Mais, à l’hôpital, malgré l’opération Emmy décède.
Le lendemain, Eva et Josef sont chargés d’une nouvelle enquête. Depuis des mois des réfugiés disparaissent, tous des hommes entre quinze et quarante-cinq ans. Mais, ne sont-ils repartis ailleurs ? Avec le témoignage d’Elias, l’affaire rebondit et concerne la section d’Eva avec l’implication de ces créatures de l’Autre monde. Or, Eva est très secouée par les événements de la veille.
Sur place, dans la forêt, Elias qui a pris une chique de plantes préparée par Josef, voit surgir des monstres que ce dernier identifie comme des Ossedax, une race qui vit sous terre et qui se nourrit exclusivement de la moelle des os…
Runberg mêle les événements de la vie ordinaire, comme assister à un match de sport, à des situations bien réelles, comme celles relatives à l’immigration, avec des créatures de l’ombre qui cohabitent au sein de la société. Faut-il voir un sens plus profond au fait que ces créatures extraordinaires s’en prennent à des émigrés ? Sylvain Runberg veut-il faire comprendre que, malgré les efforts de la population locale pour aider à leur intégration, ces nouveaux venus ne sont pas les bienvenus sur ces terres ancestrales ?
Ce premier volet met en place l’action, dévoile de nouveaux personnages, de nouveaux crimes sans, pour autant, entrer trop dans le vif du sujet. Le second tome apportera plus de révélations.
Le dessin réaliste de Jean-Charles Poupard donne une véritable dimension à cette histoire. Avec des plans serrés, en zoomant sur les visages, il fait partager les émotions et les sentiments des protagonistes. Il donne des scènes plus larges avec des monstres particulièrement réussis. Les couleurs d’Alex & Mirabelle font ressortir avec justesse l’atmosphère lourde de certaines scènes.
Un nouveau volet de cette série “nordique” qui fait attendre la conclusion avec une impatience patente.
serge perraud
Sylvain Runberg (scénario), Jean-Charles Poupard (dessin), Alex & Mirabelle (couleur), Le Chant des runes – t.03 : Les Oubliés de l’Autre monde, Glénat coll. “Grafica”, août 2018, 48 p. – 13,90 €.