Cet ouvrage séduit d’emblée par l’idée de rapprocher les deux actrices – à ceci près que le mérite d’y avoir pensé la première revient à l’universitaire Sarah Lee, comme Emmanuelle Guilcher l’avoue honnêtement (S. Lee, Simone Signoret and Brigitte Bardot : feminities in 1950’s French cinema, University of Exeter, 2002). Le livre de Guilcher a manifestement été conçu pour un public plus large, et son regard sur les icônes se veut “personnel“, comme l’affirme la quatrième de couverture. Est-ce à dire tout sauf objectif ?
Pas forcément, car les premiers chapitres témoignent d’un souci appréciable de précision et de réflexion nuancée. Les rapprochements entre l’enfance, l’adolescence et les débuts de Simone et Brigitte sont instructifs et sonnent juste. Leur aspect de jeunes actrices atypiques dotées de voix particulières (p. 53) est mis en valeur avec pertinence. De même, Guilcher a bien raison de nous faire noter que la sensualité et le naturel que la critique observe chez Signoret (pp. 82–83), en font une devancière de Bardot, déjà avant qu’elle ne soit perçue comme scandaleuse pour son rôle de “garce“ dans Manèges.
Là où les choses se gâtent, c’est par la suite : l’auteure reprend la thèse obsolète selon laquelle le cinéma de la IVe République aurait été “frileux“ et dépourvu de nouveaux talents (p. 106), oubliant notamment que René Clément et Jean-Pierre Melville firent leurs premiers longs-métrages pendant cette période. A propos de Clément, elle lui attribue le Thérèse Raquin de Marcel Carné (p. 164) !
Avec la même incompétence critique, elle liquide à la va-vite Michèle Morgan (p. 132), sans prendre en compte ses qualités d’actrice moderne avant la lettre – au jeu “minimal“, à une époque où la plupart en faisaient trop – et son aura internationale.
On est déçu aussi par la manière dont Guilcher présente la vie privée de ses héroïnes : sur Bardot, elle ne nous apprend pratiquement rien qui sorte des lieux communs ; sur Signoret, elle utilise la formule “fixation obsessionnelle“ (p. 243) pour évoquer son attachement à Yves Montand, comme si la vie de couple stable et la fidélité relevaient du problème psychique, et non contente de cela, elle en rajoute, parlant de “passion névrotique, comme toutes les passions“ (p. 253).
Par ailleurs, le livre comporte des fautes de français auxquelles on ne s’attendait vraiment pas dans une publication des éditions Larousse, telles que “mémoires respectives“ (p. 160) – rappelons, à toutes fins utiles, que le terme “mémoire“ est du genre masculin quand il s’agit d’un texte -, “ses allers-retours avec son pays“ (p. 235) et “Quoi que“ au lieu de “Quoique“ (p. 239). N’y a-t-il plus de correcteurs dans cette maison ?
agathe de lastyns
Emmanuelle Guilcher, Simone et Brigitte, deux icônes à la française, Larousse, octobre 2018, 375 p. – 19, 95 €.