1914, l’année du grand commencement
Les commémorations du centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale donneront lieu à un déferlement éditorial qui a d’ailleurs déjà commencé. On en mangera jusqu’à l’indigestion, à l’image de ce qu’il s’est passé lors du bicentenaire de la Révolution française. Ce n’est pas une raison pour se désintéresser de certains travaux qui annoncent la vague déferlante. A ce propos, on lira avec intérêt le livre de Jean-Yves Le Naour consacré à l’année 1914. Comme l’auteur l’avoue lui-même, cette synthèse sur cette terrible année pour l’Europe « n’a pas la prétention de révolutionner son approche ». C’est un fait. Mais il faut aller au-delà de cette constatation pour apprécier le livre.
D’abord parce qu’il est bien écrit, dans un style alerte, non sans un certain humour. Les portraits psychologiques des différents acteurs sont peints avec finesse. Les informations sont nombreuses, et cherchent à étudier tous les aspects du problème. Ainsi passe-t-on des évènements purement diplomatiques aux questions sociales et culturelles, ce qui permet de saisir la complexité de l’époque et des sociétés.
Le récit détaillé des journées de juillet-août 1914 retient l’attention du lecteur, notamment par la densité des informations et par l’analyse approfondie des différentes responsabilités. C’est le même esprit qui anime l’étude de la bataille de la Marne, gagnée quoi qu’on en dise avant tout par Joffre et grâce à l’endurance du soldat français, même si Gallieni ne mérite pas l’oubli dans lequel il a été délibérément placé. De même, on appréciera les nuances apportées par l’auteur sur la force de l’Union sacrée et de la trêve politique de 1914.
On regrettera le ton quelque peu moralisateur employé dans le chapitre sur « la chasse aux Allemands » et l’importance donnée aux affaires « franco-occidentales » au détriment des zones orientales et balkaniques de l’Europe. Mais tout cela n’enlève rien à la qualité de cette synthèse très intéressante qu’on lira avec plaisir.
frederic le moal
Jean-Yves Le Naour, 1914. La grande illusion, Perrin, octobre 2012, 404 p. - 23,00 €