L’uchronie de Pierre Alferi laisse quelque peu dubitatif. Sans doute parce qu’elle se veut politique mais sans singularité manifeste, en dehors de l’habillage de science-fiction. Au lieu d’affronter les miasmes et les incommunicabilités du monde tel qu’il devient, l’auteur ne cherche pas à inventer un nouveau monde.
Celui qu’il imagine — avec ces nacelles qui volent au-dessus du globe terrestre — ignore néanmoins les sans grades. Pas de « gilets jaunes » dans de tels lieux. La convergence des inquiétudes qui se dissipent dans les diverses nacelles est envisagée selon une vision moins catastrophique qu’il n’y paraît puisque d’une certaine manière tout est joué.
Au sein des « nasseres », « clinaises », etc. où marinent les êtres qui n’ont pu intégrer le vaisseau amiral (l’N) la colère n’est même plus de mise. Une forme d’apathie mitonne. C’est là l’état définitif de ceux qui se contentent de naviguer à vue sur la « Mer » (Mise en Relation électronique) et qui paient pour leur pusillanimité comme pour celle des délégués qu’ils ont élus. Le monde a donc fini par voler en éclats. Le roman en devient la métaphore – catastrophique ou farcesque selon les points de vue du lecteur.
À sa manière, Alferi fait du Badiou. Sa fiction n’est qu’un type de contemplation cher à tous les penseurs postmodernes qui rêvent d’absolu en oubliant ce qui est imposé au sujet comme fermeture, censure et perte d’identité. Comme eux, le romancier a le goût pour une sorte d’infini des Idées : l’instituer dans une forme de nouvel Etat serait d’un autre enjeu.
Le livre ne fait que signaler l’absence d’intermédiation dans notre monde tel qu’il est et tel qu’il est grimé dans cette feinte de S-F. L’auteur ne fait — au nom d’une pulsion de l’Idée – qu’un état des lieux et ne propose pas la moindre utopie.
Tout cela reste sans doute habile mais parfaitement anecdotique, tant pour ceux qui croient à l’avenir que pour ceux qui estiment la partie terminée.
jean-paul gavard-perret
Pierre Alferi, Hors sol, P.O.L éditions, Paris, 2018, 368 p. — 21,00 €.
Le commentaire proposé manque totalement l’œuvre d’Alferi.
D’une part faute d’une culture SF suffisante. Uchronie ? Mais c’est de l’anticipation proche ! Une uchronie est une réécriture de l’histoire. (Ex : Le Maître du Haut Château, de P K Dick, où les Japonais ont gagné la seconde Guerre…). Peut-être vouliez-vous dire “dystopie”, mais ce n’en est pas vraiment une….
D’autre part en oubliant qu’une œuvre littéraire (de ce point de vue le livre d’Alferi est absolument remarquable!) n’est pas un pamphlet pseudo politique. Confusion des genres! En revanche, par le biais d’une construction littéraire qui suit son cheminement propre (et ici cette construction est admirable, même si elle exige du lecteur un certain effort (sans doute plus que la lecture d’un Badiou …) l’auteur peut nous dire des choses profondes sur la nature d’une société, celle de la domination ou encore celle de l’individu… Alferi dit beaucoup et avec grand style.
Hélas, l’auteur du commentaire a mal lu le livre (une fois de plus, c’est un livre exigeant …) et, donc, ne l’a pas compris.
Quant aux “GJ”, si cela permet de les laisser derrière soi, on en vient à se demander si le réchauffement climatique est une aussi mauvaise chose …