Frissons d’amour dans l’écume des jours
Ce qui frappe dès l’ouverture du livre est la photo de Lou. Elle semble d’aujourd’hui bien plus que d’hier et donne à la femme une actualité surprenante. Ses lettres font de même. L’érotisme y flamboie et force sans doute à une nouvelle lecture des fameuses « Lettres à Lou » du poète. L’amante est peut-être volage (la jeunesse l’anime) mais ses lettres touchent par leur faconde et leur intelligence face à son « petit lapin », son « petit Gui » son « vilain ». Ses « causeries » sont parfois des réponses au silence de son chéri. Cela la rend « furibarde », néanmoins Lou reste toujours légère – ou feint de l’être.
Certaines missives sont très marquées par le contexte de la guerre. Il arrive à l’amante d’espérer que son alter ego tue beaucoup de « boches », elle le motive au besoin pour deux raisons : « la victoire est certaine » et seul compte« le salut du pays ».
Mais la correspondante semble toujours prise dans la tourmente de ses frissons d’amour dans l’écume des jours et des déplacements. Celle qui se veut « muse » craint néanmoins que le poète publie « certain vice dont tu me parles avec une clarté déconcertante ». Pour autant elle ne se prive pas de descriptions explicite (p. 26–27 par exemple) qui ne laissent aucun doute sur les sévices en usage entre les deux amants.
Son « lapin » possède une complexion plus forte que domestique. Il est le ferment qui alimente ses désirs et les pimente. Aucune sagesse de la part de l’amante — même par procuration. Lou ne cache rien la force des sensations alimentées par des souvenirs qu’il conviendra de réactiver dès le retour du front. Certes, Apollinaire s’éloignera d’elle. La joueuse se veut encore frivole mais néanmoins l’amour qui se voudrait intact est désormais contesté. A sa manière, Lou le dit à son « petit mufle ». Mais sur la pointe des pieds.
jean-paul gavard-perret
Louise de Coligny-Châtillon dite Lou, Lettres à Guillaume Apollinaire, éditions par Pierre Caizergues, Gallimard, 2018, 124 p. — 12,00 €.
Universelles afféteries de la femme qui veut garder son roi et de l’homme qui fuit . JPGP l’écrit, fort bien , sur la pointe d’une plume expérimentée .