Louise de Coligny-Châtillon dite Lou, Lettres à Guillaume Apollinaire

Fris­sons d’amour dans l’écume des jours

Ce qui frappe dès l’ouverture du livre est la photo de Lou. Elle semble d’aujourd’hui bien plus que d’hier et donne à la femme une actua­lité sur­pre­nante. Ses lettres font de même.  L’érotisme y flam­boie et force sans doute à une nou­velle lec­ture des fameuses « Lettres à Lou » du poète. L’amante est peut-être volage (la jeu­nesse l’anime) mais ses lettres touchent par leur faconde et leur intel­li­gence face à son « petit lapin », son « petit Gui » son « vilain ». Ses « cau­se­ries » sont par­fois des réponses au silence de son chéri. Cela la rend « furi­barde », néan­moins Lou reste tou­jours légère – ou feint de l’être.
Cer­taines mis­sives sont très mar­quées par le contexte de la guerre. Il arrive à l’amante d’espérer que son alter ego tue beau­coup de « boches », elle le motive au besoin pour deux rai­sons : « la vic­toire est cer­taine » et seul compte« le salut du pays ».

Mais la cor­res­pon­dante semble tou­jours prise dans la tour­mente de ses fris­sons d’amour dans l’écume des jours et des dépla­ce­ments. Celle qui se veut « muse » craint néan­moins que le poète publie « cer­tain vice dont tu me parles avec une clarté décon­cer­tante ». Pour autant elle ne se prive pas de des­crip­tions expli­cite (p. 26–27 par exemple) qui ne laissent aucun doute sur les sévices en usage entre les deux amants.
Son « lapin » pos­sède une com­plexion plus forte que domes­tique. Il est le ferment qui ali­mente ses désirs et les pimente. Aucune sagesse de la part de l’amante — même par pro­cu­ra­tion. Lou ne cache rien la force des sen­sa­tions ali­men­tées par des sou­ve­nirs qu’il convien­dra de réac­ti­ver dès le retour du front. Certes, Apol­li­naire s’éloignera d’elle. La joueuse se veut encore fri­vole mais néan­moins l’amour qui se vou­drait intact est désor­mais contesté. A sa manière, Lou le dit à son « petit mufle ». Mais sur la pointe des pieds.

jean-paul gavard-perret

Louise de Coligny-Châtillon dite Lou, Lettres à Guillaume Apol­li­naire, édi­tions par Pierre Cai­zergues, Gal­li­mard, 2018, 124 p. — 12,00 €.

1 Comment

Filed under En d'autres temps / En marge, Erotisme

One Response to Louise de Coligny-Châtillon dite Lou, Lettres à Guillaume Apollinaire

  1. Villeneuve

    Uni­ver­selles affé­te­ries de la femme qui veut gar­der son roi et de l’homme qui fuit . JPGP l’écrit, fort bien , sur la pointe d’une plume expérimentée .

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