Hannah Starkey, Photographs 1997–2017

Etran­gères au paradis

Etudiant la condi­tion fémi­nine dans le monde contem­po­rain, Han­nah Star­key tente ou rêve de réin­tro­duire ses sœurs dans un para­dis pho­to­gra­phique. Ou du moins en un pur­ga­toire. Car pour les femmes rien n’est don­née d’emblée. Bien des pré­da­teurs veulent les sor­tir de leur coquille tout en pré­ser­vant leur propre armure.
Sorte de Edward Hop­per au fémi­nin, d’Antonioni aux images fixes, la créa­trice explore com­ment les femmes répondent –sur­tout au sein des villes — au silence. Elle ouvre à la per­cep­tion de la soli­tude qui creuse la vie de ses passantes.

En consé­quence, elle décrypte un mal psy­cho­lo­gique et moral de manière lucide, poé­tique et rap­pelle que cha­cun peut en être vic­time. D’où ce miroir sublimé auquel Han­nah Star­key accorde une lumière noc­turne et étrange. Gar­dant ses dis­tances avec les grands lieux tou­ris­tiques, la pho­to­graphe se tourne vers les bâti­ments les plus ano­nymes où le vide prend tout son sens et où l’isolement s’articule sur l’architecture.
New York et autres villes perdent en charme et délire mais gagnent en déré­lic­tion. Est théâ­tra­li­sée une misère non orne­men­tale mais inté­rieure en contre­point aux buil­dings où selon Jim Jar­musch « l’architecture se fait pute ». Le refoulé est exhaussé par des lieux d’une trou­blante han­tise et d’une para­doxale beauté.

La cha­leur suf­fo­cante des étés semble éma­ner par­fois de la vase de la cité . Si bien qu’Hannah Star­key ren­voie à deux chaos. Celui des marais de l’être, celui des éten­dues conti­nen­tales de la ville.
Comme dans le « Rêve amé­ri­cain » de Roth, il n’existe plus de place à une réelle jouis­sance du pay­sage. Le décor a tourné : un no man’s land le remplace.

jean-paul gavard-perret

Han­nah Star­key, Pho­to­graphs 1997–2017, Mack, Londres, 2018 — 40 £, 45,00 €.

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