Etudiant la condition féminine dans le monde contemporain, Hannah Starkey tente ou rêve de réintroduire ses sœurs dans un paradis photographique. Ou du moins en un purgatoire. Car pour les femmes rien n’est donnée d’emblée. Bien des prédateurs veulent les sortir de leur coquille tout en préservant leur propre armure.
Sorte de Edward Hopper au féminin, d’Antonioni aux images fixes, la créatrice explore comment les femmes répondent –surtout au sein des villes — au silence. Elle ouvre à la perception de la solitude qui creuse la vie de ses passantes.
En conséquence, elle décrypte un mal psychologique et moral de manière lucide, poétique et rappelle que chacun peut en être victime. D’où ce miroir sublimé auquel Hannah Starkey accorde une lumière nocturne et étrange. Gardant ses distances avec les grands lieux touristiques, la photographe se tourne vers les bâtiments les plus anonymes où le vide prend tout son sens et où l’isolement s’articule sur l’architecture.
New York et autres villes perdent en charme et délire mais gagnent en déréliction. Est théâtralisée une misère non ornementale mais intérieure en contrepoint aux buildings où selon Jim Jarmusch « l’architecture se fait pute ». Le refoulé est exhaussé par des lieux d’une troublante hantise et d’une paradoxale beauté.
La chaleur suffocante des étés semble émaner parfois de la vase de la cité . Si bien qu’Hannah Starkey renvoie à deux chaos. Celui des marais de l’être, celui des étendues continentales de la ville.
Comme dans le « Rêve américain » de Roth, il n’existe plus de place à une réelle jouissance du paysage. Le décor a tourné : un no man’s land le remplace.
jean-paul gavard-perret
Hannah Starkey, Photographs 1997–2017, Mack, Londres, 2018 — 40 £, 45,00 €.