Dépouillée, graphique l’œuvre de Joël Leick conserve toujours la même vitalité. Le peintre ignore la nostalgie. Qu’importe si le temps passe. Il suffit de la silhouette d’une femme en noir contre un mur là où tout se prolonge au-delà de la prise pour, et en un mélange de techniques, faire renaître l’érotisme (discret) d’une œuvre si originale.
Dans sa ville d’origine, Leick propose (sous le commissariat de Marie-Françoise Quignard, ancienne conservatrice des livres rares à la Bibliothèque Nationale) le dialogue qu’il a poursuivi avec Michel Butor et leurs 200 livres et qu’il poursuit avec Salah Stétié, Ethel Adnan par exemple. Mais l’oeuvre ne se limite pas à de tels fructueux ping-pongs. Son créateur peint et photographie en solo le plus souvent et présente plus particulièrement à Thionville ses œuvres sur papier.
Au gré des vitrines et des cimaises se perçoivent des rapprochements inédits entre photo, monotype, gravure, peinture et écriture. S’y découvre aussi entre figuration et abstraction un monde interlope du corps et du langage. La passion des voyages et des rencontres et bien d’autre tentations soulignent combien tout est bon pour nourrir son imaginaire.
Par exemple, les photos de friches industrielles permettent de pousser plus loin ses interrogations sur la couleur, les matières, le monde en ses divers états. Le “patron” d’une robe quant à lui propose un autre discours amoureux. Il faut donc nommer une telle œuvre énigme et frontière. Le noir n’y est pas ténèbre mais parle d’autres mondes. Ici même. Ici bas. Si bien qu’on pourrait la confondre avec le réel. Mais quelle importance…
jean-paul gavard-perret
Les Territoires de Joël Leick, Puzzle, Thionville. jusqu’au 22 novembre 2018.