L’amour à tous les parfums, décliné par une nouvelle étoile de la BD.
Joann Sfar dit de ce livre :
C’est bien ! Les dessins, l’histoire. Oh et puis c’est éducatif. On devrait le distribuer en pharmacie pour les amoureux.
Cet homme a le don de la concision, cette assertion pouvant assurer à elle seule la promotion de l’ouvrage. Pourtant, on doit signaler qu’il se trompe, car cette petite bande dessinée n’aurait rien à faire dans une pharmacie. Ce récit est bien trop poétique, doux et tendre pour se trouver coincé entre deux boîtes d’aspirine et un désinfectant ! D’ailleurs, qu’y ferait là une histoire d’amour ?
D’amour ? Oui, et de sexe, beaucoup de sexe. Les corps s’attirent, s’étreignent, s’embrassent pour mieux rouler ensemble une fois l’acte fini. Et étrangement, ce n’est pas ce qui reste de la lecture une fois ce petit opus refermé. Mais une impression de tendresse infinie, de pudeur et de délicate passion. Ainsi, là où bien d’autres se seraient brûlé les ailes à essayer de dessiner les réalités de l’amour, Aurélia Aurita réussit le tour de force de sublimer ce qui est au final quelque chose de quotidien, presque banal et pourtant si important aujourd’hui.
À l’opposé des blogs et autres reality shows, c’est un univers sain où nous sommes conviés en tant que lecteurs, et lecteurs seulement. Le respect est mutuel, la découverte réciproque, les mots pleins d’amour. Les jeux ont une place de choix et c’est le plaisir dans sa pleine acception qui tient lieu de ligne conductrice. Pourtant, il est question de pratiques parfois osées ! Mais elles viennent spontanément, elles trouvent leur place dans l’épanouissement d’une jeune femme en pleine découverte de son corps (et de celui de son partenaire).
Servi par une plume à la fois crue dans ses propos et douce dans son dessin, cet ouvrage est un pur moment de bonheur. L’auteur n’est ni une dévergondée, ni une ingénue, mais simplement une femme du XIXe siècle, au fait des réalités et curieuse. C’est pourquoi on le laissera à disposition de nos amies et de nos puînées. Les hommes s’en saisiront naturellement, et prendront — pour certains d’entre eux en tout cas ! — une bonne leçon de respect de la femme.
Ce livre n’a donc rien à faire dans une pharmacie. Par contre, il se nichera avec plaisir sur des étagères, pourvu qu’elles soient accessibles… et que les plus timides puissent s’en saisir avec discrétion !
Quant à la “première fois” des Impressions Nouvelles en matière de bande dessinée, on peut affirmer qu’elle est prometteuse : format agréable, papier de qualité, couverture aguicheuse. Et jusqu’au blanc qui met en valeur les crayonnés, tout est maîtrisé dans les moindres détails, jusqu’au prix, particulièrement attractif.
Voici un beau coup de cœur pour une nouvelle venue dans l’univers de la bande dessinée, dont le talent est prometteur et à qui l’on souhaite de tomber amoureuse — et de le rester — pour le plus grand plaisir de ses lecteurs !
Pour voyager autour de Fraise et chocolat, vous pouvez visiter le site de l’éditeur, lire la chronique consacrée à L’Apprenti japonais (le livre de Frédéric Boilet, le compagnon d’Aurélia et dont l’interview est publiée ici) sans oublier l’entretien que nous a accordé Benoît Peeters (l’éditeur).
anabel delage
Aurélia Aurita, Fraise et chocolat, Les Impressions Nouvelles, mars 2006, 142 p. — 15,00 €. |