Olivier Hug & Denis Medri, Sans Dieu — Tome 2 : “L’Antre de la connaissance”, Gwen de Bonneval (scenario), Matthieu Bonhomme (dessin) & Walter (couleurs), Messire Guillaume — Tome 1 : “Les Contrées lointaines”, Douay (dessin) & Flechard (scénario), Matière fantôme — Tome 1 : “Alpha”

Trois albums dans le bain BD : à vos marques, prêts, plongez !

Des bulles dans le bain

Dans le bain sur­nagent par­fois des bulles qu’on appré­cie plus que d’autres. Plon­gée en apnée sous la mousse rose ce mois-ci à la décou­verte de bulles qui ont séduit la rédac­tion du Lit­te­raire qui aime­rait bien que vous fas­siez trem­pette à leur contact, à votre tour…

L’immer­sion com­mence, avec le tome 2 de Sans Dieu, par une plon­gée dans l’inquiétante cité de Kanel, qui vient d’être enva­hie par les Lythons, une armée de monstres démo­niaques. Une cité dont se sont absen­tés, par­tant, les dieux mêmes qui la pro­té­geaient. L’espoir de paix et de res­tau­ra­tion de la nor­male dépend alors, comme en témoigne une vieille pro­phé­tie, d’un dieu caché dans la grande biblio­thèque et que doit réveiller un com­bat­tant hors pair, le “pré­vôt” man­daté à cette fin par le calife de Kanel et secondé par quelques indi­vi­dus (une sor­cière, un géné­ral, la niece du pré­vôt, un pirate et un voleur) aux pou­voirs hors du com­mun. C’est en pas­sant par la cité sou­ter­raine tchetche de Zert que l’expédition por­tera peut-être ses fruits.…
Pour les ama­teurs du genre c’est un sans-faute qui condense tous les atten­dus en la matière : créa­tures hybrides de fan­tasy, sorts magiques et autres divi­na­tions, âpres com­bats, tout cela mixé dans une course au tré­sor, on en prend plein les yeux. Pas facile évi­dem­ment d’y retrou­ver ses petits si on n’a pas lu le tome 1 mais il faut signa­ler ici la grande qua­lité des réci­ta­tifs et des dialogues.

On est certes en plein jeu de rôle et tout cela fait un peu peur, mais la cohé­rence de l’histoire et la qua­lité gra­phique de l’ensemble ins­talle cette BD dans la série des quêtes fan­tas­tiques qu’il faut avoir lues.

Oli­vier Hug & Denis Medri, Sans Dieu — tome 2 : “L’Antre de la connais­sance”, Les Huma­noïdes asso­ciés, jan­vier 2006, 56 p. — 12.60 €.


D’
une quête fan­tas­tique on passe à une autre, le bain n’attend pas. Se refroi­dir c’est mou­rir. Mais cette fois-ci nous sommes dans le pur médié­val. A priori il s’agit là d’un album un peu décalé et qui semble s’adresser au jeune public. Il n’en est rien. Sous une fac­ture des plus clas­siques, le tome 1 de Mes­sire Guillaume glisse peu à peu du médié­val où il était enfermé à du fan­tas­tique pur, sur­pre­nant ainsi le le lecteur.

L’intrigue s’ouvre avec la peine de Guillaume de Saun­hac, mar­qué par la dis­pa­ri­tion de son père, her­bo­riste et adepte de magie blanche. Remonté contre Bri­faut, son beau-père qui pro­fite de l’occasion pour asseoir son pou­voir dans la région, en plein désordre poli­tique, Guillaume décide d’abandonner sa mère lorsque sa sœur Helis dis­pa­raît à son tour. Avec pour tout bien quelques usten­siles et ingré­dients de méde­cine déro­bés dans le labo­ra­toire pater­nel, le jeune homme décide de retrou­ver les siens. Il ren­contre alors une série de per­son­nages mar­quants (le che­va­lier Bra­ban­çon — sorte de Jean Reno bis -, Ysane, une tante vivant soli­taire dans la fôret et Cour­te­pointe, un trou­ba­dour flan­qué d’une chèvre fan­tasque !) tout en se lais­sant habi­ter par de noires son­ge­ries oni­riques de plus en plus extra­or­di­naires. Ces “contrées loin­taines” dans les­quelles Guillaume va à la recherche de son père sont, on le pressent, celles de sa propre identité.

Ni fra­cas­sant ni trans­cen­dant, le scé­na­rio s’installe en dou­ceur pour bous­cu­ler bien­tôt de l’intérieur les codes imma­nents au genre, cela même si le trait demeure fin et régu­lier. Le gra­phisme nous tire du côté de l’histoire d’un Moyen Âge cano­nique tan­dis le pro­pos louche du côté du mys­té­rieux, auréolé de teintes oran­gées péné­trantes. Pour un peu, on en per­drait presque son latin et on en oublie­rait de sor­tir du bain. Un pre­mier volume d’installation assez pro­met­teur et intri­guant donc.

Gwen de Bon­ne­val (sce­na­rio), Mat­thieu Bon­homme (des­sin) & Wal­ter (cou­leurs), Mes­sire Guillaume - Tome 1 : “Les Contrées loin­taines”, Dupuis coll. “Repé­rages”, jan­vier 2006, 48 p. — 9,80 €.


L
ui aussi seul et perdu au milieu d’un monde hos­tile, le héros d’ “Alpha” nous entraîne dans la fou­lée dans un tout autre uni­vers, beau­coup plus sombre et inquié­tant. N’hésitez pas à remettre un peu de bain mous­sant rose : il en fau­dra pour affron­ter les méandres de ce récit tout en fausses ellipses où, là encore, un indi­vidu, tente de retrou­ver le che­min de ses ori­gines. Mais le père absent est cette fois-ci, comme le Father de la série Alien, un vaste vais­seau laby­rin­thique valant comme micro­cosme du monde stel­laire qu’il traverse.

Premier album d’un trip­tyque nommé Matière fan­tôme — termes dési­gnants toute l’immensité incon­nue de l’univers — “Alpha” nous met en pré­sence d’un vais­seau infini déri­vant dans l’espace et qu’occupe un seul homme. Au tra­vers des représentations-clefs d’une magni­fique fresque peinte par des robots ayant depuis dis­paru, ce seul être vivant à bord va ten­ter sous nos yeux de com­pendre le sens de son exis­tence, de même que celui de l’origine du vais­seau actuel­le­ment fort endom­magé : deux point de vue qui per­met­traient enfin de faire la lumière sur les ténèbres carac­té­ri­sant ici aussi bien l’intérieur que l’extérieur de l’univers où évo­lue celui qui pour­rait bien se révé­ler le créa­teur du navire inter­stel­laire perdu.…

Album curieux et maî­trisé dans sa pro­gres­sion vers une révé­la­tion paroxys­tique tout en non-dits et médi­ta­tions mys­tiques, Matière fan­tôme sur­prend et séduit dans le même temps. Ce noir soli­loque qui est une ode à la démiur­gie intem­po­relle vous prend dia­ble­ment aux tripes par les ver­tus d’un texte inquié­tant et d’un trait dif­forme aux cou­leurs incer­taines, à l’instar d’un vérité en train de phag­coy­ter sans merci ni répit le corps qui l’abrite.
Sa vie durant, l’homme ano­nyme tente de reprendre le contrôle sur son monde tan­dis que lec­teur attend qu’enfin une parole s’exprime hors de cette bulle mutique où on l’a plongé. Et le doute de nous assaillir : cha­cun de nous n’est-il pas un vais­seau minia­ture de ce genre, bal­loté entre vie et mort ?

Voilà un album aux confins de l’abstraction sur­réa­liste et du mys­tère onto­lo­gique, des sciences phy­siques comme bio­lo­giques mâti­nées d’un brin de phi­lo­so­phie, qui fonc­tionne comme un élec­tro­choc et prouve que la BD peut avoir des ver­tus thé­ra­peu­tiques dans un monde voué à la léthar­gie ambiante.

Douay (des­sin) & Fle­chard (scé­na­rio), Matière fan­tôme - Tome 1 : “Alpha ”, Dupuis, coll. “Empreintes”, jan­vier 2006, 48 p. — 13,00 €.


A
utant dire, après une telle lec­ture, qu’on ne voit plus l’eau du bain de la même manière. Le rose s’est éva­noui au pro­fit d’un gris obom­bré rava­geant les der­nières bulles savon­neuses vél­léi­taires. La vie repend ses droits ; fini de “bul­ler”, il est l’heure de sor­tir du bain.
Jusqu’à la pro­chaine trem­pette bédéique.

fre­de­ric grolleau

   
 

-  Oli­vier Hug & Denis Medri, Sans Dieu — Tome 2 : “L’Antre de la connais­sance”, Les Huma­noïdes asso­ciés, jan­vier 2006, 56 p. — 12,60 €.

-  Gwen de Bon­ne­val (sce­na­rio), Mat­thieu Bon­homme (des­sin) & Wal­ter (cou­leurs), Mes­sire Guillaume — Tome 1 : “Les Contrées loin­taines”, Dupuis coll. “Repé­rages”, jan­vier 2006, 48 p. — 9,80 €.

-  Douay (des­sin) & Fle­chard (scé­na­rio), Matière fan­tôme — Tome 1 : “Alpha”, Dupuis Coll. “Empreintes”, jan­vier 2006, 48 p. — 13,00 €.

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