La mémoire du général de Gaulle connaît aujourd’hui une évolution particulière. Bien qu’universellement défendue, elle est de nos jours récupérée par les progressistes de tous poils qui en font un droitdel’hommiste social-démocrate. Dans le même temps, tous ses successeurs jusqu’aux plus ridicules ont tenté de revêtir son costume de président-monarque avec plus ou moins de succès. Aucun n’y est parvenu. Aucun n’y parviendra. Tous trahissent l’héritage.
C’est ce que démontrent Richard-Alain Marsaud de Labouygue et Jean-Côme Tihy dans leur essai. Analysant les origines sociales, familiales, intellectuelles de Charles de Gaulle, il en trace un portrait qui ne manque pas d’intérêt, sans se laisser enfermer par les exigences du « politiquement correct ».
On en retiendra deux points. Le premier concerne la pensée et l’action politiques de de Gaulle : patriotisme passionné, souveraineté absolue de la France, diplomatie réaliste et équilibrée, foi catholique intense, défense des valeurs morales, croyance à l’existence d’un peuple français, rejet de l’immigration de masse.
Ce corpus exprimé aujourd’hui rejetterait le général à l’extrême droite de la droite radicale, lui vaudrait les pires anathèmes, la damnatio aeterna. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ses successeurs mènent la politique exactement contraire.
Le second analyse de Gaulle dans une perspective historique renouvelée. En faisant de lui le « dernier capétien », les auteurs le placent d’une part dans la tradition longue de l’histoire mais d’autre part – et c’est peut-être le plus pertinent – renversent les perspectives. Au lieu d’être un commencement, celui de la Vème République, sa présidence marque la fin de l’histoire millénaire de la France monarchique dans laquelle le système républicain s’était nolens volens coulé. De Gaulle n’avait-il pas affirmé à Pompidou : « La France est finie, j’aurai écrit la dernière page. » ?
Tout est dit. Et tout est là, dans cette contradiction que l’héritier des Capétiens a inscrit lui-même dans sa propre constitution : la monarchie républicaine. Or, ce système ne peut que mourir de cet oxymore. Outre le fait qu’aucun de ses successeurs n’a eu et n’aura sa stature, tout président est condamné à rester l’élu de la petite majorité qui l’a élu, à lui rendre des comptes et à combattre ses opposants. Sans avoir la légitimité du sacre et de sa dynastie.
Régner ou gouverner, il faut choisir.
frederic le Moal
Richard-Alain Marsaud de Labouygue & Jean-Côme Tihy, Charles de Gaulle. Le dernier capétien, V.A éditions, avril 2018, 193 p. — 18,00 €.
Cher Monsieur Le Moal,
A mon tour de vous retourner le compliment. Votre perception est exacte et pertinente.
Très cordialement.
Richard Alain Marsaud de Labouygue.
PS: Je me permets de vous signaler mon ouvrage: IL PORTAIT L’ANCRE D’OR, une réponse aux anticoloniaux. Et plus récemment: Louise Adélaïde de Bourbon .