Richard Taillefer, On ne s’égare pas dans le sommeil des autres

Déga­ger la gangue du paysage

Richard Taille­fer sait regar­der le monde et le res­ti­tue dans un jeu où, pour chaque page, un carac­tère des­crip­tif pay­sa­ger ou exis­ten­tiel se double d’une syn­thèse poé­tique qui la pro­longe ou ren­verse l’évocation pre­mière. Entre miroir et tex­ture il s’agit d’accepter le saut vers ce qui échappe aux limites d’une pré­hen­sion nor­ma­tive par le détour­ne­ment que le poète pro­pose et dont la puis­sance ne tient pas à la teneur de la repré­sen­ta­tion mais à la manière de res­ti­tuer du réel.
Pour autant, il ne s’agit pas en tra­vaillant les lieux et situa­tions de para­noï­ser le monde mais de mon­trer ce qui, dans les pay­sages quo­ti­diens comme en nous-mêmes, les dégage de leurs gangues.

Le poète, en ces tra­ver­sées, recon­duit le lec­teur de manière insi­dieuse vers les défi­lés de l’inconscient, en « par­fois retom­bant / mais te rele­vant tou­jours », ce qui défie les lois de la gra­vité. Plu­tôt que de se défi­ler devant le péril des tra­ver­sées pro­po­sées, Taille­fer lutte contre l’enlisement de tous les jours. Et ce, même si l’être sou­vent se dérobe avec ambi­guïté.
La jouis­sance que pro­voque une telle oeuvre n’a donc rien d’un leurre mais d’une dif­fi­culté : car elle ne se laisse pas faci­le­ment appri­voi­ser là où la « phase finale » crée une ver­ti­ca­lité face à l’horizontalité du texte premier.

jean-paul gavard-perret

Richard Taille­fer, On ne s’égare pas dans le som­meil des autres, Z4 Edi­tions, 2018, 88 p. — 11,0 €.

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