Joann Sfar (scénario et dessin), Le Chat du Rabbin — Tome 4 : “Le Paradis terrestre”

Petit, ché­tif, gris aux yeux verts : le chat de Joann Sfar ne res­semble pas vrai­ment à celui de Phi­lippe Geluck…

Ren­trée 2005

Petit, ché­tif, gris aux yeux verts : le chat de Joann Sfar ne res­semble pas vrai­ment à celui de Phi­lippe Geluck… Cela ne l’a pas pour autant empê­ché de deve­nir lui aussi une figure atta­chante de la bande des­si­née au fil de quatre albums. Après son voyage à Paris sous la pluie, le chat du rab­bin est dans “Le Para­dis ter­restre” de retour en Algé­rie. Son maître absent, il suit le Malka des lions, un per­son­nage quasi mythique qui traîne de ville en ville, racon­tant à qui veut les entendre ses his­toires plus cap­ti­vantes les unes que les autres.

On le dit capable de domp­ter le lion le plus féroce et on lui prête de nom­breuses conquêtes. Le chat découvre qu’il n’est en fait l’homme que d’une seule femme, et que l’animal vieillis­sant qui l’accompagne n’effraie plus grand-monde… Un ser­pent qui a pris l’habitude de les suivre dans le désert pro­pose d’ailleurs au lion de le mordre, pour lui rendre ser­vice dit-il, parce qu’il est un ami… Le chat s’y oppose, ne com­prend pas. Le lion lui explique qu’il vou­drait dis­pa­raître par lâcheté : il ne veut pas assis­ter à la déchéance de son maître. Le Malka prend en effet de l’âge, lui aussi… Mais il per­siste à errer en soli­taire et à racon­ter encore et encore ses his­toires, entre­te­nant ainsi sa propre légende.

Un jour, le Malka se lie d’amitié avec un prince arabe tombé sous le charme de son chant. Les deux hommes deviennent vite insé­pa­rables, mais leurs dieux finissent par les oppo­ser. Le prince désire en effet qu’il rem­place son muez­zin. La reli­gion juive du Malka lui inter­dit de dire des prières musul­manes, mais l’oblige éga­le­ment à obéir aux princes des pays où il réside. Il se résout donc à mon­ter au som­met du mina­ret, et tan­dis que les fidèles attendent son chant, il se jette du haut de la tour, et se tue sur le coup. Mais sur­prise pour le lec­teur : il s’agit en fait du récit que le Malka fait lui-même de sa propre mort, qu’il conclut sur ces mots : Et il est dit que si quelqu’un va au désert et cherche ma tombe, il la trou­vera. S’il a le cœur pur.

Une des prouesses nar­ra­tives réa­li­sées de main de maître par Joann Sfar dans ce qua­trième volume des aven­tures du Chat du rab­bin. Le tren­te­naire, dont l’enfance niçoise dans une famille moi­tié séfa­rade moi­tié ash­ké­naze a été ber­cée par toutes sortes de mythes et d’histoires, ne manque pas non plus d’humour. La vie, la mort, l’amour, la reli­gion, le racisme, la guerre : mal­gré la gra­vité des thèmes abor­dés, les aven­tures de son chat, pleines de poé­sies et mises en scène dans de remar­quables des­sins tan­tôt sombres, tan­tôt lumi­neux, font sou­rire. Et même réflé­chir, comme l’a noté en pré­face Jean Giraud, le créa­teur de Blueb­bery, à pro­pos de cet ancien étu­diant en philo : Il fait par­tie de ces gens d’âmes dont le rôle est de racon­ter des his­toires qui donnent du sens aux his­toires que leurs aînés leur ont racon­tées. Vive­ment donc le cin­quième album du Chat du rab­bin, dont Joann Sfar annonce le titre à la fin de ce volume : “Jéru­sa­lem d’Afrique”. Et pré­cise : excep­tion­nel­le­ment, il y aura un ash­ké­naze dans ce pro­chain album…

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charles dupire

   
 

Joann Sfar (scé­na­rio et des­sin), Le Chat du Rab­bin — Tome 4 : “Le Para­dis ter­restre”, Dar­gaud, 48 p. — 9,80 €.

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