Quand la Terre n’est pas la Terre…
Aventures, suspense, périls, pièges, poursuites échevelées et actions toniques se succèdent sans répit dans ce huitième tome qui se déroule sur une Terre qui peut ressembler à la nôtre par certains côtés, seulement par certains côtés. Car c’est une Terre sans électricité où les avions sont remplacés par des dragons domestiqués, où les rames du métro se déplacent sur le dos de mille-pattes…
On retrouve, autour de Fourmille, ses deux comparses habituels. Yuri Podrov, Informaticien, qui a eu la malchance d’être assis dans l’avion à côté de l’héroïne quand celle-ci a basculé dans Ekhö. Grace Lumumba, la secrétaire de l’agence, strip-teaseuse à ses heures sous le pseudonyme de Yumma.
Yuri vient de vendre un bon prix sa start-up. Il songe à prendre des parts dans l’agence Gratule et invite, pour un dîner d’affaire, Fourmille au Shaola, le meilleur indien de New York. Elle est surprise et charmée car une addition de ce restaurant équivaut à un mois de chiffre d’affaires de son agence. Pendant le repas, le bruit d’un bouchon de bouteille qui saute provoque chez Fourmille un changement de personnalité. Elle devient Alexandre le sommelier de l’établissement. Celui-ci a été assassiné dans la cave. Sous sa nouvelle apparence, ce dernier a du mal à faire admettre à ses collègues qu’il est Alexandre. C’est en buvant un verre d’eau tendu par Yuri que Fourmille redevient elle-même. Elle comprend qu’il lui faut élucider ce meurtre.
Des bas-fonds new-yorkais au immeubles de très haut standing, à la recherche, du mobile qui justifie le meurtre d’un paisible sommelier, et de l’assassin, Fourmille, Yuri et Grace auront fort à faire…
Arleston se déchaîne et pimente son récit aventuro-policier, qui se déroule dans le milieu des grands crus, d’une grosse pointe de fantastique. Cependant, on retrouve ses thèmes favoris, son goût pour l’aventure débridée, et l’humour, beaucoup d’humour. Il développe du vocabulaire avec le verbe “mouhahaver” qui désigne le rire du poulpe, lequel est traité par Fourmille d’encornet pas cuisiné.
Mais, derrière ses boutades, il se permet des coups de griffes assassins quand, par exemple, il fait dire par Grace : « Les riches trouvent toujours des causes ridicules juste pour ne pas donner aux pauvres. »
Il faut souligner le magnifique dessin d’Alessandro Barbucci pour ses décors et pour l’animation d’un bestiaire fantastique. Ses personnages, semi-réalistes, sont agréables à suivre, à fréquenter. Il sait leur donner une excellente expressivité. Nolwenn Lebreton mérite également un grand bravo pour sa mise en couleurs, pour le choix des gammes de teintes qui restituent exactement les atmosphères du récit.
On pouvait craindre un essoufflement de l’univers de cette série, mais Arleston et ses complices savent exploiter son potentiel et développer des intrigues attractives.
serge perraud
Christophe Arleston (scénario), Alessandro Barbucci (dessin) & Nolwenn Lebreton (couleur), Ekhö Monde Miroir : t. 8 — La Sirène de Manhattan, Soleil, coll. “Fantastique”, août 2018, 48 p. – 14,50 €.