Charles Pennequin, Gabineau-les-bobines

Une savou­reuse pâtisserie

Il y a de la bibine (mais pas seule­ment) dans les bobines que l’auteur a com­men­cées de dérou­ler « en pen­sant à un début de roman poli­cier un peu old school, avec des noms de l’ancien temps, ou plu­tôt des sur­noms. ». Fidèle à sa déci­sion ils foi­sonnent sauf eu égard du héros – et pour une rai­son majeure : nul ne le connaît.
Certes, il existe bien des hypo­thèses quant à son exis­tence. Mais Pen­ne­quin ne fait rien pour arran­ger les choses. Il joue du vrai et de faux sous pré­texte de faire de tri entre deux pôles plus ou moins fluc­tuants. Et pour ne rien arran­ger le roman brasse une somme d’événement. Ils prennent racines dans la Seconde Guerre mon­diale et ensuite se mêlent divers clans qui le cas échéant peuvent enter en tension.

La famille d’un des héros (Gégène) appar­tient à la classe ouvrière de ce qui se nomme désor­mais Hauts-de-France. Une héroïne (Mimille) est fille d’un pied-noir devenu maoïste mais aussi des­cen­dante d’une famille de Nor­man­die. La maré­chaus­sée n’est bien sûr pas oubliée. Par for­cé­ment tou­te­fois pour les rai­sons qui pour­raient s’accorder à un roman poli­cier.
Dans un tel « mara­lat », le manège humain tourne à la petite semaine et dans un mou­ve­ment dont Pen­ne­quin a le don. Il sait tirer le meilleur du pire (et vice-versa) dans des allers et retours où se mêlent le tra­gique et l’humour, la bana­lité et ce qui l’est moins. Le roman­cier ne fait pas dans le bio même si sous les jupes jaillissent par­fois des fesses thon dans la pleine lune.

Le non-sens se retire (enfin presque) à mesure que l’auteur cherche à épin­gler les sur­noms aux effets-mères. Dans un tel lieu roma­nesque, rien de snob ou de cla­nique. Ce théâtre de rond-point pro­vin­cial ignore les mesures sur mesures. La fic­tion n’est han­tée ni de Tris­so­tin­tin ni de mil­diou. L’auto-congratulation en est exclue.
Nous par­tons en balade, en sauts et gam­bades. Les mili­taires ignorent les sodas, les vitriers ne portent pas de cos­tumes à car­reaux, les repas s’espacent, les tra­di­tions se perdent. Nous sommes bien loin des pro­so­po­pées roman­tiques comme de la Rome antique et ses empe­reurs. Nul père se nomme Sévère et il n’existe pas plus de Cicé­ron que de Poincaré.

A l’inverse de Chris­tie, Pen­ne­quin refuse qu’on l’appelle Aga­tha mais plu­tôt à gâteaux. Car son livre est une pâtis­se­rie. Elle se mange sans faim. C’est une confi­ture de coings (sur les bords), une gelée goû­teuse.
Bref, le roman n’est pas laid et glisse dans le palais des glaces mentales.

jean-paul gavard-perret

Charles Pen­ne­quin,  Gabineau-les-bobines, P.O.L édi­teur, Paris, 2018.

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