Il y a de la bibine (mais pas seulement) dans les bobines que l’auteur a commencées de dérouler « en pensant à un début de roman policier un peu old school, avec des noms de l’ancien temps, ou plutôt des surnoms. ». Fidèle à sa décision ils foisonnent sauf eu égard du héros – et pour une raison majeure : nul ne le connaît.
Certes, il existe bien des hypothèses quant à son existence. Mais Pennequin ne fait rien pour arranger les choses. Il joue du vrai et de faux sous prétexte de faire de tri entre deux pôles plus ou moins fluctuants. Et pour ne rien arranger le roman brasse une somme d’événement. Ils prennent racines dans la Seconde Guerre mondiale et ensuite se mêlent divers clans qui le cas échéant peuvent enter en tension.
La famille d’un des héros (Gégène) appartient à la classe ouvrière de ce qui se nomme désormais Hauts-de-France. Une héroïne (Mimille) est fille d’un pied-noir devenu maoïste mais aussi descendante d’une famille de Normandie. La maréchaussée n’est bien sûr pas oubliée. Par forcément toutefois pour les raisons qui pourraient s’accorder à un roman policier.
Dans un tel « maralat », le manège humain tourne à la petite semaine et dans un mouvement dont Pennequin a le don. Il sait tirer le meilleur du pire (et vice-versa) dans des allers et retours où se mêlent le tragique et l’humour, la banalité et ce qui l’est moins. Le romancier ne fait pas dans le bio même si sous les jupes jaillissent parfois des fesses thon dans la pleine lune.
Le non-sens se retire (enfin presque) à mesure que l’auteur cherche à épingler les surnoms aux effets-mères. Dans un tel lieu romanesque, rien de snob ou de clanique. Ce théâtre de rond-point provincial ignore les mesures sur mesures. La fiction n’est hantée ni de Trissotintin ni de mildiou. L’auto-congratulation en est exclue.
Nous partons en balade, en sauts et gambades. Les militaires ignorent les sodas, les vitriers ne portent pas de costumes à carreaux, les repas s’espacent, les traditions se perdent. Nous sommes bien loin des prosopopées romantiques comme de la Rome antique et ses empereurs. Nul père se nomme Sévère et il n’existe pas plus de Cicéron que de Poincaré.
A l’inverse de Christie, Pennequin refuse qu’on l’appelle Agatha mais plutôt à gâteaux. Car son livre est une pâtisserie. Elle se mange sans faim. C’est une confiture de coings (sur les bords), une gelée goûteuse.
Bref, le roman n’est pas laid et glisse dans le palais des glaces mentales.
jean-paul gavard-perret
Charles Pennequin, Gabineau-les-bobines, P.O.L éditeur, Paris, 2018.