Les héroïnes (dont Kate Moss) de Stephanie Pfriender Stylander ne se lovent pas dans la mer Morte en se fiançant aux cristaux de sel mais errent au petit matin, noyant dans l’air frais leurs souvenir d’apôtres qui portent tous le nom de Judas. Ni tout à fait Marie, ni tout à fait Madeleine au matin elles deviennent louves basses aux jambes magiques et fatiguées d’avoir trop danser.
Si elles avaient été des Cendrillon moins tardives, elles auraient désormais une meilleure mine.
Dans le caniveau d’une rue du Marais où de la 6ème avenue, les butineuses ont les clavicules claquées. Il ne leur reste que les cendres d’un volcan bleu nuit. Mais leur posture, dans l’invocation au rien, prouve qu’elles gardent l’agilité d’un fakir ou d’une derviche tourneuse.
Les yeux des rares passants qui les croisent glissent vers leurs cuisses puis remontent à la naissance des seins que souleva un souffle sans loi et qu’un nuage de poudre blanche brouilla.
La photographe en fait percevoir l’écho dans la vibration de la profondeur, avant que l’œil ne perde sa capacité de voir, que l’oreille n’approche de la surdité, que la bouche ne s’affadisse, que le nez ne soit bouché de tant de prises.
Mais bien après que le cœur ankylosé reconnaisse sans difficulté le dur désir de durer.
jean-paul gavard-perret
Stephanie Pfriender Stylander, The Untamed Eye, Galerie de l’Instant, Paris, Novembre 2018.