Dans ce livre posthume, Franck Venaille revient sur son “moi-de-onze-ans” que l’écriture métamorphose en un “récit” de solitude que la prose poétique réinvente avec exigence et sans pathos. Les mots déambulent dans les rues et le temps qui finit par se brouiller. S’y retrouvent les illusions idéologiques d’un “communisme triste” qui aurait, selon l’auteur, laissé espérer plus que les terreurs qu’il engendra.
Remonte toute la géologie d’un moment que Venaille réanime en mixant l’intime et le collectif dans un mouvement où il rappelle ce qui, peu à peu, s’est décréé en rapport à une doxa dont il s’éloigne à mesure qu’il comprend ce que “ça” cache.
Peu à peu, L’Enfant rouge se décolore au profit d’une vérité moins formelle théoriquement mais plus fraternelle. A l’étoile rouge du soviétisme fait place celle de l’équipe de football du Red Star qui permet un déplacement douloureux puisqu’il oblige à la révision des principes à travers les segment d’un récit dont la langue montre une vérité plus complexe que ce que les croyances premières laissaient poindre.
Preuve que traverser la vie passe par un dialogue intérieur qu’une pensée politique n’épuise pas– jusqu’à ce que l’enfant rouge bascule à l’état de “soldat”. Il clôt ce livre et la guerre d’Algérie — absurde et terrifiante comme tous les conflits — deviendra une des expériences ressassées de l’auteur. Il revient ainsi — lors du crépuscule de sa vie — au début d’un voyage qu’il voulait mettre au clair. Il n’a cessé de la faire.
Existent sans doute des zones d’ombres mais Venaille aura bien fait le ménage. Il a rangé avant de partir tout ce qui pouvait l’être.
jean-paul gavard-perret
Franck Venaille, L’Enfant rouge, Mercure de France, 2018, 112 p. — 12, 50 €.