Joseph Roth, Job, roman d’un homme simple

Entre détresse et nostalgie

Le roman de Roth est devenu le pro­to­type d’un style du roman juif mais qui reprend toute une tra­di­tion roma­nesque plus large : l’histoire d’un homme simple et de sa famille et qui va se sen­tir acca­blé par les épreuves jusqu’à ce que fidé­lité à Dieu soit mise à l’épreuve. Cette ver­sion reprise et «moder­ni­sée » du « livre de Job » se passe en deux temps. D’abord dans la Rus­sie tsa­riste au début du XXème siècle. Roth fait plon­ger dans la com­mu­nauté juive d’une petite ville où elle côtoie pay­sans et sol­dats. La com­mu­nauté est sou­dée autour du rituel, de la réci­ta­tion des prières, de la pré­pa­ra­tion des grandes fêtes au sein de la nature russe.
Mais la seconde par­tie du livre se déroule à New York après le départ d’une par­tie de la famille là où, à son arri­vée, elle voit la sta­tue de la liberté. Pour autant, la vie et l’intégration de ces juifs déra­ci­nés dans le nou­veau monde n’ont rien d’une siné­cure. Dans cette par­tie, le livre rap­pelle  L’Amérique de Kafka et annonce les dic­tions de Sin­ger (c’est d’ailleurs le nom du héros du livre) et éros de l’ autre » Roth : Philip.

La prose de Joseph Roth reste néan­moins très spé­ci­fique. Elle pos­sède quelque chose de lan­ci­nant que l’auteur défi­nit comme « mélo­dique ». S’y retrouve le côté réci­ta­tif des psaumes et des récits bibliques psal­mo­diés pen­dant lors des fêtes juives. De l’ensemble — et à l’inverse de chez Kafka et Phi­lip Roth — se dégage un charme empreint de nos­tal­gie et sou­vent de détresse et de tris­tesse.
Le charme du livre tient néan­moins et tout autant à son avan­cée dra­ma­tique. Le héros (Men­del) jouxte par­fois la folie et semble sur le point de tout brû­ler avant que le roman se ter­mine en un apai­se­ment. Aupa­ra­vant, le héros aura porté la culpa­bi­lité de l’abandon du plus jeune fils épi­lep­tique dont vien­dra néan­moins le salut.

Cette nou­velle tra­duc­tion rend au texte toute sa force de sobriété et son rythme le plus proche pos­sible de la ver­sion ori­gi­nale alle­mande. Une telle fic­tion place l’auteur parmi les plus impor­tants roman­ciers du XXème siècle.
A le lire ou relire, il ne cesse d’étonner par sa force nar­ra­tive et ses traversées.

jean-paul gavard-perret

Joseph Roth, Job, roman d’un homme simple, tra­duc­tion de Jean-Pierre Boyer & Silke Hass,  Edi­tions Héros-Limite, coll. Feuilles d’herbe, Genève, 2018, 224 p. — 13,00 €.

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