Pour cette édition hors-série, la Pléiade a bien fait les choses avec, en dehors de la traduction, plus de 200 illustrations, une préface de l’auteur lui-même et du traducteur choisi pour ce livre d’exception. Prenant le parti inverse de celui choisi dans la même collection pour la reprise des œuvres de Kafka ( à y regarder de près, elle n’apporte guère à la première version parue dans la même collection), Gallimard a décidé de reprendre une « vieille » traduction de 1836. Elle n’est sans doute pas la plus précise et fidèle si l’on s’intéresse à la « lettre » du texte, mais elle possède une dimension d’envol.
A cela une raison majeure qui prend de court la « folie » d’un tel choix. La traduction n’est pas réalisée par n’importe qui. Le poète romantique noir et décadent Pétrus Borel l’a « commise ». Il existe dans son appréhension du texte un esprit comparable à celui de Baudelaire traducteur de Poe. Preuve qu’il suffit qu’un poète s’empare d’une œuvre pour lui donner un lustre inusable.
Le texte — même s’il n’en a pas besoin — s’en trouve régénéré. Choisir la traduction de Borel en effet, ce n’est en rien faire preuve d’un esprit « vintage » mais préserver l’œuvre de la rouille du temps. De fait, Borel conserve l’esprit visionnaire du texte. Le roman une nouvelle fois enflamme et rend rêveur au moment où, plus que jamais, cette fiction dans son aspect fantasque garde toute son actualité.
Est-il besoin de rappeler que Robinson Crusoé reste un monument littéraire, créateur d’un mythe rousseauiste ? Ce n’est donc pas un hasard si un romantique a donné à ce livre une version française quasi définitive.
jean-paul gavard-perret
Daniel Defoe, Robinson Crusoé, trad. de l’anglais par Pétrus Borel. Suivi de Pétrus Borel, un loyal intermédiaire par Jean-Luc Steinmetz, Édition de Baudouin Millet, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, novembre 2018, 104o p. — 52,00 €.
Oui le garçonnet JPGP et le sieur Crusoé sont en fraternité et rien ne vaut le tapis rouge de la Pléiade . Mais connaître la collection fondée il y a un siècle par Pierre Lafitte est un rare bonheur . Henri Duvernois adapte Robinson pour les enfants .C’est envoutant.