Patti Smith est une écrivaine qui n’écrit pas mais parle d’écriture. Enfin presque. D’autant que celle qui n’écrit pas est prolifique dans ses partitions scripturales. C’est une lectrice aussi. Pas n’importe laquelle : Beckett, Rimbaud, Shepard. Bref, une littérature qui mixe mots et images. Tout cela ne serait pas mal. Mais l’Américaine — de passage à Paris dans ce livre — se prend les pieds en son passé, ses souvenirs et le culte de sa propre image. Tout se veut profond en un tel exercice de piété. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.
Celle qui se veut écrivaine plus que musicienne et plus performeuse poétique que chanteuse a bénéficié pourtant de son statut de rock star que son premier album « Horses » lui ouvrit. Pas sûr d’ailleurs que sans cette notoriété ses livres aient été publiés et encore moins traduits.
Une telle œuvre, entre fiction et dérive, prouve que seule la signature permet un imprimatur et sa validité. Les vibrations et les voix qui guident ce livre dans ses différents moments sont gonflées de la seule notoriété de l’artiste. Les mots de l’auteure veulent nous faire croire que nous allons fréquenter les fantômes de Camus, Joyce, Genet, Nabokov entre autres. Mais Smith ne trouve l’inspiration qu’à travers ceux qui eux-mêmes possèdent de la notoriété.
Tout cela sent le superfétatoire, même dans la nouvelle « poétique » qui du cœur du livre lui donne son titre. Certes, Smith aime écrire — et dans l’ouvrage en différentes formes-, mais la recherche de la vérité et la manière de résoudre les problèmes que cela pose restent secondaire. L’auteure cherche d’autres apparentements. La tyrannie de l’ego sous feinte de modestie balaye tout..
A la question implicite de départ « pourquoi vous écrivez ?», la “poétesse” n’a de réponses pour apaiser son obsession d’écriture qu’en entrant chez d’autres écrivains dont elle fait de pâles panégyriques. Ils la poussent parfois à des fictions secondaires. Existe un acte d’écrire enfantin. Il tient d’un pèlerinage.
Patti Smith a du succès en France car elle caresse le propre ego cocardier dans le sens du poil. Les voies du succès de l’auteur deviennent moins impénétrables qu’évidentes. Le people (fût-il grunge jadis et littéraire aujourd’hui) reste le ressort de ce qui est présenté comme de la haute littérature mais qui est quelconque.
jean-paul gavard-perret
Patti Smith, Dévotion, trad. de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard, Gallimard,Hors série Littérature, Paris, 2018, 160 p. — 14,50 €.