Alors qu’il tient une photo compromettante pour sa réputation, un homme se suicide pendant que brûle le daguerréotype dans la cheminée. Dans Londres, des photos très compromettantes sont ainsi présentées par deux individus masqués sous un haut-de-forme à divers membres de l’establishment. Ces clichés, s’ils étaient rendus publics, ruineraient leur réputation.
La famille de Jennifer enterre ses restes après son décès dans l’incendie qui a ravagé le lupanar du 17, Fitget Street où Kita était forcée de se prostituer. C’est l’occasion de règlements de compte entre ses membres. À l’écart, dans l’ombre, son mari le visage brûlé par l’acide qu’elle lui avait jeté pour se défendre, suit la cérémonie. Il est rejoint par le commissionnaire Kurb. Il avoue regretter la mort de Jennifer, son épouse, dans de telles conditions. Il aurait voulu la tuer de ses propres mains !
Pickles et ses deux amis cherchent pitance pour survivre. Alors qu’ils pensaient pouvoir s’en prendre à un richard et son épouse, ils voient débouler une vache.
Jennifer — Jay — et Kita, la jeune Japonaise, ont survécu, protégées par la puissance du démon que cette dernière porte sur elle, sous forme d’un tatouage. C’est un autre tatouage que Sensei dessine sur le dos de la jeune anglaise.
La tribu des Ériés, enfin ce qu’il en reste, continue de travailler pour la suprématie de l’Angleterre. Ils disposent d’une nouvelle arme, l’Abaddon, un navire de guerre surpuissant.
Mais Jay et Kita, unissent leurs capacités pour prendre leur revanche, l’une contre sa famille, l’autre en représailles pour l’assassinat de son bébé…
Ce troisième volet raconte une étape de la vengeance de ces deux femmes qui se sont opposées à l’Empire tel qu’il est, face à la suprématie masculine. Le statut des femmes est précaire, avec cette possibilité de faire enfermer dans des asiles, de véritables enfers, celles dont la personnalité, l’attitude, ne s’alignent pas sur un standard figé. Cette situation est d’autant plus paradoxale qu’une femme est à la tête de cet empire. Or, elle ne semble rien faire pour améliorer la condition féminine.
C’est également l’opposition entre pauvres et nantis, l’occasion de mettre des réflexions pertinentes dans la bouche des enfants qui composent le gang des Dead Ends.
Zidrou se surpasse en matière narrative et en inventivité, composant une intrigue riche dans tous les domaines tels que l’action, les personnages, les parcours… Il adopte un tempo alerte, alternant des scènes courtes, passant d’un lieu à un autre, d’un groupe de personnages à un autre très rapidement. Il dépeint une galerie de personnages dont la plus grande partie est vile tant l’hypocrisie est patente.
Dans ce troisième tome, les deux héroïnes entament leur revanche. Des masques tombent, des turpitudes remontent au grand jour, des secrets familiaux se dévoilent. Le rideau des convenances se déchire. Le scénariste a initié un processus qui avance inexorablement.
Cependant, Zidrou laisse passer, dans cette noirceur, quelques touches d’humour avec les réflexions des enfants ou transformant Jay en professeur de langue quand elle reprend les tournures de phrase de Kita, même au cœur de l’action la plus échevelée. José Homs, avec un trait puissant réalise un graphisme réaliste, dynamique. Les nombreuses scènes d’action sont toniques. L’expression des différents protagonistes, leurs tourments, leurs émotions sont parfaitement traduits.
Cette série réunissant saga historique, pamphlet social et conte fantastique est magistrale.
serge perraud
Zidrou (scénario) & José Homs (dessin et couleur), Shi – t.3 : Revenge, Dargaud, octobre 2018, 56 p. – 14,00€.