Jean Fontaine : Silicone Carne
La galerie le Filambule et les éditions Humus ne sont pas pour rien dans la reconnaissance du sculpteur Jean Fontaine. Non seulement il y a exposé mais a aussi par leur biais publié trois livres : Zoofolie, Mecanofoloie et Humanofolie. L’artiste poursuit la création de son monde paradoxal et hybride empreint de merveilleux et d’horreur. Après les machines, les animaux ont pris le relais pour animer les hommes — ou ce qu’il en reste.
Néanmoins, l’artiste ne réduit pas son imaginaire à être un dégagement de la vie. Demeure l’avènement dans ses fables aigres douces d’une morale revigorante. L’ogre n’est jamais loin, la malignité rampe là où les images permettent de les cerner par une saisie différentielle en un seuil limite de visibilité au-delà des évidences et là où il y a autant de poissons sans mer que de mères sans poison. Celui qui se nommait « enfant céramiste qui a fait sa crise d’adolescence » (mais il y a bien longtemps) transforme son médium en moyen de scénariser bien avant d’autres ce qu’on nomme un post-humanisme.
Après la mécanique plaqué sur du vivant, l’animal travestit la nature humaine en hommage à Jérôme Bosch et au peu que la civilisation « Silicone carne » et la vanité des savants fou californiens des GAFA nous promettent. Face à eux, Jean Fontaine devient le chirurgien débrayé capable des implants et transplants nécessaires à une parodie de la post-modernité qui passe à côté de l’essentiel. Bref, c’est un urgentiste artistique.
En mêlant les matières les plus humbles, il peuple métaphoriquement le monde des monstres en contre-feu à ceux qui sont en construction. Encore faudra-t-il pour leur avènement que la terre ne soit pas asphyxiée par ceux qui prétendent à la sur-vivance de l’espèce mais qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
jean-paul gavard-perret
Jean Fontaine, Sculptures, Galerie Humus Le Filambule, Lausanne, du 4 au 24 novembre 2018.