Eytan Morgenstern était un jeune Polonais qui a subi, dans un camp de concentration où il était déporté avec ses parents, les expériences du Dr Bleiberg qui ont fait de lui un surhomme, ce super combattant voulu par Himmler. Il a échappé à ses tortionnaires et mené des combats avec le MI6 et le Mossad. Lassé de tant de sang, il s’est coupé du monde pendant quatre ans avant que celui-ci le rattrape. Avec ce personnage hors-normes, aux capacités étonnantes, David Khara continue un combat contre toutes formes d’asservissement de l’Homme. Et la génétique, non encadrée par une déontologie solide, est un des domaines pouvant aboutir à un tel résultat.
À Los Angeles, Virginia, infirmière à l’Hôpital privé Saint-Vincent, est assassinée avec une collègue.
Le professeur Frank Meyer est en route pour une île au large de l’Irlande. Il doit rencontrer son père adoptif, Eytan Morgenstern pour lui transmettre un message sibyllin. Un homme, à l’article de la mort, se réclamant du Consortium, demande à Eytan de venir à l’Hôpital américain de Paris.
À Seattle, Gavin Hastings –Satch-, un flic blanchi sous le harnais, fait équipe avec Andy Irvine, un jeune lieutenant. Ils sont en route vers un entrepôt pour un crime particulièrement odieux. Le processus rappelle à Satch ceux de tueurs en série.
À Paris, Eytan rencontre un homme émacié qui se fait appeler Archibald Mountbatten et se dit le Cypher du Consortium. Il a été écarté de la direction. Sous sa houlette, cette organisation criminelle a mis en place un nouveau programme D-X qui s’inspire de celui qui a permis la fabrication massive de la Pervitine dans l’Allemagne nazie. C’est une drogue, voisine de la méthamphétamine, qui décuple les capacités humaines. Elle a permis la Blitzkrieg de 1940. Il lui demande d’intervenir pour empêcher cette fabrication aux effets secondaires pervers. Pour le convaincre, il démontre qu’Eytan est seul responsable de cette situation car, en 1943…
Autour de ce héros, le romancier anime une galerie de personnages remarquablement conçue, aux caractères judicieusement construits, que ce soit les deux policiers de Seattle ou les protagonistes qui vont croiser la route du héros, ceux avec qui il va faire équipe. Il développe avec rigueur des états d’âmes, des interrogations, des doutes qui permettent d’éclairer certaines facettes de l’intrigue. Il décrit avec justesse les difficultés, par exemple, à annoncer un décès brutal à des proches de la victime, la vie d’un flic qui prend son métier à cœur…
Mais, avec David Khara, l’action a son mot à dire et elle ne s’en prive pas. Il décrit de longues scènes de combats, en détaille les phases avec un style tonique, dynamique, brutal, voire très brutal, ne craignant pas de faire couler le sang.
Le romancier indique dans son récit nombre d’informations, de données authentiques, passant de la génétique au crime, de la période nazie à la situation actuelle. Il évoque Rudyard Kipling et son célébrissime poème If qui se termine par : “Tu seras un homme, mon fils.” La traduction française est d’André Maurois qui s’est permis une réécriture pour des vers parfaitement réguliers et sans rime approximative.
David Khara s’inspire sans doute de certains de ces vers pour décrire les sentiments de ses protagonistes. Il évoque les affreux Gary Leon Ridgway et Ted Bundy, des tueurs en série, ayant suggéré Dragon Rouge et Le Silence des agneaux au romancier Robert Harris. Il n’hésite pas à se livrer à un second degré lorsque, faisant décrire les avancées de la génétique, il écrit : “Pas de fantasmes… pas un délire d’écrivain à l’imagination trop fertile.”
Le programme D-X qui signe le grand retour d’Eytan Morg comprend tous les éléments qui font d’un livre un remarquable roman : une intrigue brillante, une suite de personnages attachants, un sens du récit et un style enlevé. Une suite est annoncée, attendue avec impatience !
serge perraud
David Khara, Le programme D-X, J’Ai Lu n°11982, coll. “Thriller”, octobre 2018, 416 p. – 7,60 €.