Tenter d’appréhender le sens de la poétique de l’imaginaire revient à explorer la signification de deux mots-clés : l’eau et la terre et de prendre en compte ce qu’ils possèdent comme charges. La peinture est un moyen d’en saisir le sens profond. Claire Guanella les fait jouer entre elles de manière exquise en apparence mais afin de suggérer des pulsions profondes qui révèlent une sorte de combat où, sous la douceur, une érotique apparaît tout en discrétion.
Entre la terre et l’eau, comme entre le corps et l’âme il n’existe pas de rupture mais un rapprochement sinon à perdre la vie. Chez l’artiste se fabrique une réalité qui ne perd pas le contact avec l’existence mais où le terrien joue avec la lumière qui permet à la semence de croître. Si bien que les peintures de l’artiste engendrent une suite de métaphores. Celle-ci prouve que le monde est différent de ce que l’on nomme vulgairement la réalité.
L’activité imaginative devient la traduction de l’inconscient et du conscient, voire d’une réalité désormais à haut risque mais que Claire Guanella anticipe. Une telle peinture fascine parce qu’elle donne à voir autrement que l’apparence « paysagère » . Ce paysage n’est pas pour elle une simple image. Les « déformations » que l’artiste invente créent un organisme vivant composé d’eau et de terre mais avant de matière, pigments, technique propre à donner à l’espace une vitalité nouvelle.
A l’inverse de l’abstraction qui a tendance à porter la peinture vers une métaphysique, la figuration rapproche de la physique traitée ici de manière objective mais expressionniste. La confrontation entre les deux éléments premiers devient un hymen.
Dans ce jeu, ces éléments sont plus qu’eux-mêmes sans pour autant tomber dans l’allégorie ou le symbole. Ils oscillent entre expansion et effacement afin de parvenir à saisir ce que Proust appelait “un peu de temps à l’état pur” mais selon un processus de périodicité, de germination, de retour, d’alternance.
jean-paul gavard-perret
Claire Guanella, D’eau et de Terre, Galerie Marianne Brand, Carouge-Genève, du 3 au 23 novembre 2018.