Claude Louis-Combet est un des rares auteurs (avec Jacques Cauda, Valère Novarina, Pascale Quignard, Perrine le Querrec) à brouiller les genres. Nul besoin chez elle et eux de segmenter la théorie de la fiction. Envoyer la première prendre le TGV à la gare est une façon d’éviter à la seconde de végéter. Et plutôt que de développer les deux chacune de leur côté en ce qu’étaient jadis les 45 tours et leurs chansons d’amour comme source vive, Louis-Combet dans son texte hybride noie les envies de métaphysique d’un jeune postulant au sein même de la Cathédrale de Bourges.
Le principal mérite de la nef devient sa capacité à matérialiser la vision d’un fantasme érotique (ce qui au passage expliquerait bien des pèlerinages). Une forme féminine nue hante en effet le transept. Elle devient une fenêtre ouverte au fantasme et brouille les représentations du bien et du mal.
Preuve qu’il n’existe pas seulement Bosch et ses monstres pour jouir d’un certain désordre. Des images pieuses montées sur un châssis modulent le sens de l’amour divin. Il est emporté soudain vers d’autres abîmes lorsque, dans leurs fins treillis, un reflet vu et revu se faufile dans les pupilles d’un impétrant empêtré en ce qui pourrait bien devenir un péché sinon en action, du moins en pensée…
Tel est pris qui croyait prendre la voie des cieux. Eve devient l’élixir de celui qui est fixé à sa vision. La visitation de l’Avant devient l’apprêt d’une figuration qui empêche le soldat naïf et nocif à se délivrer de lui-même. Il glisse au fond de son inconscient où la vierge Marie se transforme en Olympia qui excite de ses cuisses. Elle devient le lieu d’un lieu qui a priori n’est pas fait pour ça. Et c’est bien la quadrature d’un cercle dont on ne se remet pas.
Le militaire n’est pas le seul à se retrouver monter la garde de son sexe devant une telle image d’un paradis terrestre que la nudité divine incarne. Bien des gamins de jadis, à l’époque où l’église était un passage obligatoire, ressentirent de tels émois. Preuve que l’art religieux colore de variations torrides la chair. Le sens de l’infini christique est donc distordu par bien des histoires d’O qui exsudent le nœud du religieux hypnotisé par celle qui ensorcelle.
L’Eve de Bourges n’est pas traversée seulement de lumière : le désir s’y transvase. En haut du choeur, c’est une pivoine potentielle pour l’explosion du cœur.
jean-paul gavard-perret
Claude Louis-Combet, Le Nu au transept, Images d’Yves Verblèse, L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 2014, 95 p. — 15,00 €.