Otto Dix reste celui qui a “tout” montré de la guerre : à savoir ses horreurs. Au-delà des positions partisanes, il ouvrit le charnier des tranchées. Ce ne fut peut être que la fin du monde en avançant ou reculant mètre par mètre Dans cette exposition, il est accompagné de créateurs qui signèrent une succession de chutes où seul l’insaisissable est retenu par une sélection exceptionnelle de gravures, dessins, livres illustrés d’artistes soldats, reporters, témoins civils, intellectuels et résistants pacifistes.
A côté d’Otto Dix, il y a là et entre autres Jean-Emile Laboureur, Frans Masereel, Romain Rolland.
Car si la Première Guerre mondiale sème la mort et freine un temps l’élan avant-gardiste, l’expérience du front et ses traumatismes physiques et psychologiques ne fait pas taire artistes et intellectuels. Ils livrent des réminiscences traumatiques et des analyses visionnaires. Leurs oeuvres rappellent que la vie tue. Le corps sans corps retrouve une forme, un habit de serge bleu horizon ou une vareuse de couleurs moins visibles. Les deux furent un linceul. Le tout créa non un début de jour mais le début de la nuit.
Resta l’extase pourrissante de la chair soumise à la jubilation de la vermine. Il n’y a pas d’autre jour que celui où le singulier — pas si singulier que ça d’ailleurs — se dilue dans le tout. Voilà l’issue avant que le gris-noir ne s’étende, avant la nuit totale et le bruit sourd du fleuve des morts.
Chez Dix et les autres, il y a toute la brutalité du marquage qui écrase ou soulève. L’existence bat encore dans des couches denses où la couleur est presque absente.
jean-paul gavard-perret
La guerre et après — Otto Dix et ses contemporains, Musée des Beaux-Arts de Chambéry, 3 novembre 2018 — 24 février 2019.