Patrick Guillain, Le semeur de mort

Glaçant !

Marc, un ambu­lan­cier, est appelé dans un camp de Roms. Lorsqu’il arrive, le gen­darme le guide vers un cadavre. Marc, immé­dia­te­ment, iden­ti­fie la cause du décès : la Mort noire, la peste. Des pré­lè­ve­ments arrivent à l’Institut Pas­teur, vers Samuel qui tra­vaille sur la recherche d’un vac­cin dans le labo­ra­toire de la peste. Les mises en culture livrent vite leur ver­dict. Il s’agit bien de Yer­si­nia pes­tis.
Maud Bor­det est méde­cin et tra­vaille à l’Institut natio­nal de Veille sani­taire. Ce lundi matin, sur son bureau, un dos­sier rela­tif à une sus­pi­cion de peste pul­mo­naire l’attend avec la men­tion Urgent ! Son patron voit là l’occasion de la mettre en avant pour un poste qu’elle ambi­tionne. Le der­nier cas de peste connu en France remonte à plus de soixante-dix ans, en Corse. Elle fait les pré­lè­ve­ments néces­saires au camp de Roms avec des dif­fi­cul­tés pour avoir des ron­geurs. À Pas­teur, elle ren­contre Samuel. Elle est en avance mais n’aime pas attendre. Leurs pre­miers contacts se passent mal, mais l’aspect pro­fes­sion­nel prend vite le des­sus. Alors que les ana­lyses mettent en lumière la peste, à Paris et en ban­lieue, l’épidémie pro­gresse. Le nombre de cas est de plus en plus impor­tant et les morts se suc­cèdent à un rythme sou­tenu.
La cel­lule de crise mise en place est vite désar­mée. Et des ano­ma­lies se font jour. La peste com­mence sous une forme bubo­nique puis évo­lue vers une peste pul­mo­naire. La Yer­si­nia pes­tis qui est entre les mains de Samuel résiste aux groupes d’antibiotiques connus, ce qui signi­fie qu’il n’y a aucun recours thé­ra­peu­tique. De plus…

La lec­ture de ce roman donne l’occasion, pour les néo­phytes, de se plon­ger dans les arcanes de la micro­bio­lo­gie, de suivre dans le détail toutes les opé­ra­tions, les types d’analyses que peuvent faire des cher­cheurs confron­tés à une attaque patho­gène, en l’occurrence ici, la peste. Patrick Guillain qui est micro­bio­lo­giste, spé­cia­lisé dans les mala­dies infec­tieuses, sait de quoi il parle. Et le ton de son his­toire sonne vrai. Il déve­loppe une intrigue foi­son­nante, riche en ten­sion, en sus­pense, en rebon­dis­se­ments dans la recherche de l’origine de cette épi­dé­mie, en péri­pé­ties médi­cales et poli­cières. Pour son pre­mier roman, l’auteur fait fort et offre un récit gla­çant face à des mala­dies qui se répandent ainsi.
Paral­lè­le­ment, il donne nombre d’indications sur l’Institut Pas­teur, depuis son his­toire jusqu’à son fonc­tion­ne­ment actuel, sa struc­tu­ra­tion, sur les équi­pe­ments dont se servent les cher­cheurs et leur façon de tra­vailler. Puisqu’il a choisi la peste comme fac­teur d’épidémie, il en décrit toutes les évo­lu­tions, depuis son ori­gine, les grandes pan­dé­mies qui ont ravagé les popu­la­tions, la situa­tion actuelle dans le monde. Il expose, par le menu, la consti­tu­tion de la bac­té­rie, la façon dont elle se pro­page par les ron­geurs, l’apparition des bubons… Le patient zéro est tou­jours un cas de peste bubonique.

Emporté par son sujet, qu’il maî­trise par­fai­te­ment, et par son souci de don­ner le maxi­mum d’indications, Patrick Guillain oublie par moments que des lec­teurs de romans noirs ne sont pas obli­ga­toi­re­ment ouverts à la bio­lo­gie. Bien sûr, il explique, mul­ti­plie les notes et fait un beau tra­vail de vul­ga­ri­sa­tion. Son roman est à lire deux fois, une pre­mière pour la ten­sion et la qua­lité de l’intrigue, la seconde pour une approche de la bio­lo­gie, pour maî­tri­ser un mini­mum de don­nées sur cette science qui semble pas­sion­nante.
Il décrit le milieu avec ses thé­sards, ses cher­cheurs, ses chefs de labo­ra­toire, de dépar­te­ments, n’étant tou­te­fois pas tendre avec la pro­fes­sion quand il écrit : “Il affirme (par­lant du direc­teur du labo) que la recherche est un milieu fra­ter­nel où cha­cun est l’égal de l’autre. Bien sûr, la réa­lité est tout autre et la recherche est prin­ci­pa­le­ment un monde d’arrogance et de mépris.” Quand il évoque l’AP-HP, il parle de la poli­tique réso­lu­ment patriar­cale qui y règne, le machisme, le sadisme et les petits privilèges.

Avec Le semeur de mort, Patrick Guillain frappe fort, offre un roman pas­sion­nant pour son intrigue, pour la décou­verte d’un uni­vers peu ouvert au grand public.

serge per­raud

Patrick Guillain, Le semeur de mort, l’aube, coll. “Noire”, sep­tembre 2018, 344 p. – 19,90 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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